Well, Michelle, I apologize for my using french in this message, and no
longer english. But as you can read books written by Chatelain and
Zumthor, I'm sure you can understand me; and I'll be more at ease in my
mother tongue!
Vous signalez que vous recherchez le lien, entre le but "pieux" de cet
Ordene de chevalerie et ce que vous ressentez comme des "jeux de mots".
Vous assumez que la langue a visee religieuse doit presenter une structure
formelle fixe, garante de son efficacite face a Dieu; et que l'utilisation
des structures lexicales et verbales caracteristique des "Arts de seconde
rhetorique" vise plus a une deconstruction du langage, dont il joue ainsi
de la plasticite.
Je vous ferai une reponse sur deux points: la valeur religieuse des
formules de l'Ordene; et les "jeux sur les mots".
1- Valeur religieuse des formules: il est sur que certaines formules
religieuses ont une valeur operative (vous constatez que je n'aime pas a
utiliser le vocabulaire de la semiotique!). Mais cela se limite a tres peu
de domaines: en fait, ce sont les sacrements qui se voient dotes d'une
formulation qui en entraine l'efficacite (bapteme, absolution, eucharistie,
etc..)
La periode que vous etudiez (13es.) a vu la tentation d'integrer certains
rites civils dans des formules qui en faisaient des "sacrements d'Eglise"
au sens plein du terme. Je pense , en particulier, aux rituels de sacre
des rois, dont on debat s'il s'agit d'un sacrement d'Eglise ou non.
Quant au rituel "christianise" d'adoubement des chevaliers, ou
d'intronisation dans des "ordres de chevalerie", plus tard (comme les
ordres de la Toison d'or, de la Jarretiere, du Croissant, etc...), meme
s'il s'agit d'un engagement "face a Dieu", il n'y a pas "sacrement" au sens
religieux du terme. Donc cela laisse plus de liberte dans le choix des
mots.
2- Maintenant, en ce qui concerne les "jeux sur les mots"; ma
premiere objection vient de cette notion de "jeu" au sens negatif du mot
(i.e., pas serieux). Pour les medievaux, le langage est quelque chose de
fascinant; leur entrainement scolaire les a amenes a se rejouir de toutes
le "etymologies" et des alliances insoupconnees qu'elles revelent entre des
mots apparemment divergents. Bien sur, cela concerne le latin; mais cela
deborde aussi sur les langues vernaculaires. Et ces "jeux" sur les mots en
revelent des parentes imprevues.
Autre point a ne pas minimiser: le texte que vous nous citez est en vers.
Et c'est, de surcroit, la strophe finale.
Etudiante de Bruno Roy, j'ai eu aussi la chance de voir travailler Paul
Zumthor. Ils m'ont suggere de "dire a haute voix" les textes que
j'editais. Ce que j'ai fait (et enregistre!). Du coup, les a-peu-pres
d'homophonie prenaient un tout autre relief.
Ensuite, isl m'ont recommande de chanter ces textes. Car nous avons un peu
tendance a oublier que les poemes medievaux sont ecrits pour etre ou
chantes, ou cantilles, ou psalmodies. (si le terme "cantiller" vous
surprend - il s'agit d'une facon de "psalmodier" tres particuliere , voyez
l'article de Bruno Roy sur ce sujet, paru dans la revue *Le Moyen Francais*
numero 19 (1988?),consacree au "Theatre").
Cela permet de prendre conscience de plusieurs faits: d'abord, la
memorisation d'un texte en devient plus aisee. Ensuite, les formulations
verbales qui jouent sur les homophonies mettent encore plus en valeur ces
formes. Enfin, si vous regardez le sens des formules ainsi mises en valeur,
vous constaterez qu'elles appuient sur des "points importants", au moins
aux yeux de ceux qui ont redige le texte.
J'ignore si le reste de *l'Ordene de chevalerie* est redige en prose ou en
vers. S'il est en prose, le contraste du chant final renforce son impact.
S'il est redige en vers, en comparant les formes poetiques (longueur,
disposition des rimes, etc...) vous risquez de decouvrir que cette strophe
finale suit un autre patron poetique que le reste du texte; renforcant
ainsi son utilisation tres particuliere de la langue. (je me suis livree a
ce genre d'etude comparative en editant un texte de Du Prier *Le songe du
Pastourel*, paru dans la revue le Moyen Francais 23 (1989); les
changements de structures poetiques sont voulues par les auteurs des textes
pour des raisons bien precises, et qui n'ont rien a voir avec l'etalage de
leur seule virtuosite)
J'avoue ne pas avoir d'ouvrages de "semiotique" a vous proposer dans ce
domaine. En fait, je me demande meme s'il en existe qui soient specifiques
a la periode medievale.
Les interpretations de Zumthor sur la "deconstruction" du langage par les
grands rhetoriqueurs, peut-etre vraies pour la toute fin du XV et le debut
du XVIe siecle, ne me paraissent rendre compte que de l'un des aspects
possibles de ces "puns".
Quant a Chatelain et Guy, ils considerent plutot avec un oeil critique ces
"jeux sur les mots" qui leur paraissent denues de bon sens, tant ils
different des habitudes poetiques des siecles posterieurs.
Habitues que nous sommes a nous referer aux *auctoritates* (comme de bons
medievaux!), peut-etre pourrions-nous, egalement, defricher des zones peu
etudiees, et devenir ainsi, modestement, de nouvelles "auctoritates"....
C'est ce que je vous souhaite, en toute amitie
Marie-Claude
Universite de Montreal
e-mail [log in to unmask]
Marie-Claude Deprez-Masson
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