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Chères et chers membres,

Vous savez déjà probablement que l'éminent linguiste Marc Wilmet est décédé samedi dernier. Emmanuelle Labeau, notre vice-présidente, fut l'une de ses étudiantes. Je vous joins ci-dessous l'hommage qu'elle lui dédie.

Marc Wilmet fut invité à l'une des conférences de l'AFLS, en 2004, à Aston.

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Dear members,

You are probably aware that Marc Wilmet, a distinguished linguist, passed away last Saturday. Emmanuelle Labeau, our vice-president for UK affairs, was one of his students, and pays a tribute to her professor, which you can read below.

Marc Wilmet was one of the guest speakers at the Aston AFLS conference in 2004.

Bien cordialement / best wishes,

Damien Gaucher


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Pourquoi j'enseigne la linguistique...

La surévaluation constante des TEF, REF et bientôt KEF peut parfois nous faire oublier les privilèges du métier d'enseignant du supérieur: inspirer et façonner la vie de jeunes gens. Heureux qui, comme moi, a fait un beau voyage d'étudiant en linguistique...

Ecolière studieuse, adolescente dévoreuse de livres, c'est tout naturellement que je me suis dirigée vers des études de philologie romane avec le but avoué de remplacer mon excellent professeur de français, M. Maquet. A l'université Libre de Bruxelles, les cours de littérature nous bourraient la tête de dates et de titres ou nous forçaient à disséquer des poèmes du pépin jusqu'à l'arête. Les uns nous donnaient un peu de culture, les autres nous forçant à presser le texte comme un citron. Amusant pour un temps, mais sûrement pas à prendre au sérieux ? Alors qu'un condisciple déclarait en classe que « Comme on voit sur la branche au mois de mai la rose... » évoquait pour lui l'assomption de la Vierge sous les encouragements ravis du prof de littérature, je commençais à me demander si j'avais fait le bon choix.

Et puis, il est arrivé... Imposant (sans doute à cause de l'estrade, je me suis rendu compte plus tard qu'il n'était pas très grand) dans son complet gris, il dissertait pendant deux heures sans notes, sans support visuel (PowerPoint n'existait pas à l'époque) devant un tableau noir où il notait à l'occasion des concepts exotiques de chronogénèse et d'extensité contre extensivité. Les cours les plus ardus - pas de divagations mariales, ce n'était pas son genre ! - mais pour moi, les cours les plus exaltants, délivrés magistralement par un chercheur exceptionnel doublé d'un excellent pédagogue. Les examens oraux en tête à tête les plus terrifiants (même en dernière année, la moitié des étudiants venaient demander en juin une note de présence, histoire de réviser tout l'été) mais « Vous, vous n'avez pas peur, Mlle Labeau ! ».  Ce n'est que bien plus tard que je lui ai avoué mes matins nauséeux d'examen de linguistique. Je savais désormais que quand je serais grande (au sens figuré, bien sûr !), je ferais linguiste...

Lui, c'était Marc Wilmet, MON prof de linguistique française qui m'a fait aimer la langue plus que la littérature... Je l'avais revu début septembre à Montpellier à la célébration en l'honneur de la retraite de mon complice en recherche Jacques Bres, et j'avais presque manqué mon avion pour le plaisir de l'écouter ... Une dernière fois parce que Marc, heureusement lucide et incisif jusqu'au bout, nous a quittés samedi 10 novembre après une fulgurante maladie.

Marc Wilmet a marqué la linguistique française des cinquante dernières années par ses innombrables travaux dont sa Grammaire Critique résume l'étendue et la profondeur. Marc Wilmet a marqué des générations d'enseignants passés sur les bancs des universités de Bruxelles, et au-delà des générations d'écoliers : sûrement un bon « impact case study » ! Marc Wilmet a marqué des chercheurs comme moi qui continueront dans son sillage à explorer la langue française et à l'enseigner.

Marc me brocardait volontiers sur mes convictions de protestante (mais la Réforme est à l'origine du Libre-Examen !) et ne croyait pas trop à l'au-delà. Qu'il ait raison ou pas, au panthéon des linguistes, aux côtés de Beauzée, Saussure et autres Guillaume, la pensée de Marc Wilmet continuera à inspirer les linguistes pour bien des générations.

Au revoir, Marc, et merci d'avoir été ce prof qui m'a façonnée et inspirée !



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