Englis version attached. With kindest wishes, ChR Le 25 mai 2018 à 20:13, Grégory Dufaud <[log in to unmask]> a écrit : > Cher.e.s collègue.s, > un appel à communications que je diffuse avec grand plaisir (voir en pièce > jointe la version anglaise). > Bien à vous, > GD > > *Les réparations, de la préhistoire à nos jours : * > > *cultures techniques et savoir-faire* > > *Colloque international* > > *Paris, 17-18 juin 2019* > > > > La réparation est un moment particulier de la « *biographie* *d’un objet* » > (Appadurai, Kopytoff), qui, sorti du circuit du marché lors de son achat, revient > dans le monde des échanges à la suite d’un accident, de l’usure ou d’un > défaut, en raison des pénuries ou des engagements politiques en faveur de > la consommation durable. Cette mobilité engendre des savoirs et des > savoir-faire, mobilise des professions et des sociabilités, souvent > genrées, révèle l’organisation d’un système de production, largement appuyé > sur des réseaux de sous-traitance et des ateliers décentralisés, y compris > à l’époque contemporaine. Même au cœur des processus électroniques, censés > pourtant mal se prêter aux appropriations, se nichent des savoir-faire > incorporés complexes, ciments culturels de milieux professionnels établis > (Callén). Les créations récentes de sites de réparation pour matériel > électronique, les *repair cafés*, attestent la vigueur de ces pratiques > mais aussi l’émergence de nouvelles logiques consuméristes. Les réflexions > renouvelées depuis une génération sur la restauration des objets techniques > dans les musées rejoignent ces interrogations sur « la vie des objets » > (Bonnot) en posant la question de la limite entre l’intervention > réparatrice et la préservation de traces d’usages, limite qui marque la > distinction entre objet fonctionnel (réparation) et objet d’art > (restauration). > > Le registre matériel foisonne d’exemples de réparation à toutes les > époques. Dès le *Paléolithique*, les sociétés ont réparé les silex > taillés, soit pour affûter les outils tranchants, soit pour produire > d’autres outils. Il convient alors de distinguer ce qui est de l’ordre de > la réparation pour conserver l’usage désiré à l’objet, et ce qui est > associé à un véritable recyclage à l’aide d’une matière première > partiellement mise en forme. L’analyse des objets réparés nous permet > aussi d’appréhender les raisons des réparations et d’approcher les valeurs > attribuées par chaque société aux objets en question. Dans certains cas, il > peut s’agir de réparations d’un objet ayant suscité une charge de travail > considérable, dans d’autres, la valeur symbolique de ces objets a suscité > un besoin de les conserver, comme le montre le cas des matériaux céramiques > en archéologie. > > L’écart est à souligner avec les travaux historiques. Si l’histoire de la > consommation, en plein essor depuis une génération, a fait une large place > aux ventes d’articles de seconde main, à la prolongation de la vie des > objets dans les sociétés de pénurie et aux circuits de récupération, le > thème des réparations n’a pas été souvent abordé. De même, l’intérêt pour > le réemploi dans des approches croisant l’anthropologie, l’ethnologie, la > sociologie, l’archéologie et l’histoire des techniques n’a pas ouvert la > voie à l’étude des gestes, des lieux, des savoirs et des circuits de > réparation. Les archives d’entreprises suggèrent pourtant sur la longue > durée, *l’ampleur des réparations* *dans les entreprises artisanales et > manufacturière*s, parfois au long de circuits intercontinentaux. Des > études récentes sur le XVIIIe siècle européen montrent l’importance de > ces techniques quotidiennes et répétées dans la reconfiguration des > identités de métier autour de logiques opératoires et dans l’émergence de > secteurs de production transverses, par exemple pour la fourniture de > pièces de rechanges et d’attaches. C’est un pan de l’histoire de la > rationalisation du travail qui est ainsi approché, comme le montraient déjà > les études sur l’artillerie (Alder) ou sur la construction navale (« Du > raccommodage naît l’industrie », disait Hélène Vérin). Les techniques de > réparation participent du concept de « *technology’s middle ground *», > décrivant l’émergence d’une culture technique qui se définit comme « *an > ambiguous space between production and consumption* » (Borg). > > Alors que la transformation des modes de production au xixe siècle à > travers l’interchangeabilité des pièces conduit à une « discipline » de la > réparation, au xxe siècle *l’obsolescence programmée* instaure un nouveau > rapport à l’objet qui exclut toute possibilité de réparation – non sans > transformer les missions assignées aux ingénieurs. Cette disparition de la > réparation a suscité les réactions de sociologues dès les années 1960 > (Packard) et plus récemment, de collectifs de consommateurs (et de leurs > avocats, ainsi contre Apple en 2003), de journalistes (Slade), voire > d’industriels soucieux d’une économie durable (Warner *et alii*). Mais si > l’ère de la consommation de masse diffuse la culture du jetable en > Occident, *l’idéologie communiste* met au contraire en valeur les > cultures techniques centrées sur les usages prolongés des objets au nom de > l’inventivité, de rationalisation et de la valeur du travail humain. Dans > les pays du bloc communiste, l’école secondaire forme les filles aux > travaux de confection et de réparation des vêtements et les garçons au > bricolage avec des objets en bois et en d’autres matériaux (Golubev, > Smolyak). Des magazines et des clubs promeuvent des savoir-faire de > réparation parmi les amateurs, tandis que des centres de réparations > regroupent des ateliers spécialisés en appareils électroménagers, > vêtements, chaussures, etc. Les défauts de fonctionnement de l’industrie > planifiée, avec ses ruptures de stock et ses rebuts systématiques, sont > ainsi compensés par des circuits de réparation amateurs et professionnels > et par un trafic de pièces de rechange au marché noir (Siegelbaum). > > La thématique ouvre sur la place du geste technique pour restaurer et > pérenniser la fonctionnalité des objets - en somme, *le rôle de l’humain > dans la technique*. L’industrialisation occidentale a elle-même suscité > des réflexions critiques sur la fuite en avant du progrès et la > déshumanisation qui l’accompagne. Au xixe siècle, alors que la > mécanisation et la course à la puissance et à la vitesse conduisent à > sacraliser les techniques et à évincer le facteur humain, le réparateur se > pose comme idéal culturel de l’homme moderne, capable de maîtriser la > machine. La place de la réparation à l’heure de la mécanisation est > révélatrice de partis pris en faveur de l’appropriation de la machine par > l’homme. Ce sont dès lors les milieux de technologues soucieux de la > qualité des objets, de leur fiabilité, de leur sécurité (comme au > Conservatoire des arts et métiers) qui, par leur souci des réparations et > de l’entretien, réintroduisent des descriptions et des analyses du geste > dans l’écrit technique, et développent aussi un intérêt pour les > collections techniques les plus variées, ouvertes sur le quotidien et les > micro-inventions, en lien avec le métier nouveau de mécanicien (Dufaux). > > Cette culture technique de la réparation, qui a accompagné > l’intensification de la production (artisanale et industrielle) et qui a > reçu sa théorisation (Simondon) pose la question des temporalités de ces > techniques. Sont-elles assimilables à un registre traditionnel ou > participent-elles de savoir-faire nouveaux ? Les cultures de réparation > ordinaires dans les pays du Sud et en Asie sont emblématiques de *temporalités > multiples *et croisées. Les travaux sur les réparations en Afrique > montrent ici la voie (Speranza). Le récurage, le ponçage, le vernissage > sont des actes traditionnels qui anticipent la dégradation et s’inscrivent > dans une économie de l’entretien, suggérant la nécessité d’étudier les > rythmes - et les mots (Roulon-Doko) - de cette activité complexe, > occasionnelle et/ou régulière, conjuguant le court terme et le long terme > de la vie des objets (Dupré). Mais la situation actuelle de pays tels le > Ghana soumis au déversement de produits électroniques des pays développés, > réparés pour la revente ou récupérés (décharges), pose la question de > l’articulation de ces pratiques intensives nouvelles, expression d’une > domination économique évidente, avec les celles traditionnelles inscrites > dans d’autres logiques. De plus, s’il est habituel de considérer les > réparations comme participant de l’économie dite informelle ( > Cheneau-Loquay), cependant, les dernières décennies brouillent la > frontière entre les circuits des objets dans les pays riches et les pays > pauvres du fait de l’émergence de la culture de la réparation en tant que > démarche écologique et engagement citoyen en faveur de *slow consumption*. > L’économie du recyclage et de la récupération traduit une préoccupation > institutionnalisée – mais questionnée (Monsaingeon) – pour l’environnement > s’ajoutant aux pratiques individuelles de réparation (Anstett et Ortar). > > Enfin, la réparation est une *opération réflexive*, dont le but n’est pas > seulement le rétablissement d’une fonction dérangée ou d’une enveloppe > abîmée, mais aussi l’enquête des causes des dysfonctionnements, qui > s’inscrit à travers l’amélioration et le perfectionnement des dispositifs, > dans les pratiques de l’innovation (Jackson). Au-delà, la réparation > ressurgit aujourd’hui de façon inattendue, en tant que revendication > d’intelligibilité technique mettant à mal le *topos* de la séparation > entre activités manuelles et intellectuelles : cette reconfiguration > inviterait à repenser nos conditions d’accès à la réflexivité comme étant > originellement et toujours déjà *technologiques* (Crawford). > > Ce colloque propose d’interroger *l’évolution des pratiques et des > cultures de réparation dans la longue durée, dans la perspective globale et > comparative*. Une approche par aires géographiques doit permettre de > repérer des circulations de savoir-faire de réparation d’une région à une > autre. Il s’agit d’examiner les lieux de réparation (des manufactures, des > usines, des docks et des cales, des ateliers, des clubs, des cafés, des > garages, chez soi, etc.), les figures du réparateur (de l’amateur jusqu’au > professionnel), les manières dont on envisage la fonctionnalité des objets > lors des réparations (réparation comme restauration ou réparation comme > transformation), et les savoirs pratiques mobilisés. L’objet est au cœur de > notre démarche - sa matérialité, ses circulations, sa biographie, > permettent de saisir les contextes culturels dans lesquels inscrire la > réparation. > > > > *Bibliographie indicative* > > Ken Alder, *Engineering the Revolution. Arms and Enlightenment in France, > 1763-1815, *Princeton, Princeton University Press, 1997 > Janet Ambers, *Holding it all together: ancient and modern approaches to > joining, repair and consolidation*, Londres, Archetype Publications, 2009 > > Elisabeth Anstett & Nathalie Ortar (dir.) *La deuxième vie des objets. > Recyclage et récupération dans les sociétés contemporaines*. Paris, > Pétra, 2015 > > Arjun Appadurai (ed.), *The Social Life of Things. **Commodities in > Cultural Perspective*, Cambridge, Cambridge University Press, 1996 > > Andrea Baier, Tom Hansing, Christa Müller, Karin Werner (éd.), *Die Welt > reparieren. **Open Source als postkapitalistische Praxis*, Bielefeld, > transcript, 2016 > > Géraldine Barron, *Edmond Pâris et l’art naval. Des pirogues aux > cuirassés*, à paraître > > Philippe Bihouix, *L’âge des low-tech : vers une civilisation > techniquement soutenable*, Paris, Seuil, 2014 > > Thierry Bonnot, *La vie des objets. D’ustensiles banals à objets de > collection*, Paris, MSH, 2002 > > Kevin Borg, *Auto Mechanics: Technology and Expertise in > Twentieth-Century America** (Baltimore: The Johns Hopkins University > Press*, 2007 > > Bianca Callén, « Donner une seconde vie aux déchets électroniques. > Économies informelles et innovation sociotechnique des marches », *Techniques > & Culture* n° 65-66 « Réparer le monde. Excès, reste et innovation », > 2016, p. 206-219 > > Annie Cheneau-Loquay, « Rôle joué par l’économie informelle dans > l’appropriation des TIC en milieu urbain en Afrique de l’Ouest », *Netcom*, > 22-1/2, 2008, p. 109-126 > > Matthew B. Crawford, *Éloge du carburateur. Essai sur le sens et la > valeur du travail*, Paris, La Découverte, 2009 > > Marie-Claude Dupré, « La réparation en Afrique : un moment de la vie des > objets », in Gaetano Speranza éd., *Objets blessés. La réparation en > Afrique*, Paris, Musée du quai Branly, 2007, p. 29-37 > > Lionel Dufaux, *L’Amphithéâtre, la galerie et le rail. Le Conservatoire > des arts et métiers, ses collections et le chemin de fer au xixe siècle*, > Rennes, PUR, 2017 > > Alexey Golubev, Olga Smolyak, « Making selves through making things. Soviet > do‑it‑yourself culture and practices of late Soviet subjectivation », *Cahiers > du monde russe*, n° 54/3-4, 2013, p. 517-541 > > Marie Goyon « L’obsolescence déprogrammée : prendre le parti des choses > pour prendre le parti des hommes. Fablabs, makers et repair cafés », *Techniques > & Culture* n° 65-66 « Réparer le monde. Excès, reste et innovation », > 2016, p. 235-239 > > Jamie Furniss, Frédéric Joulian, Yann Philippe Tastevin dir., dossier > « Réparer le monde : Excès, reste et innovation », *Techniques & Culture*, > n°65, 2016 > > Liliane Hilaire-Pérez, *La* *pièce et le geste.* *Artisans, marchands et > savoirs techniques à Londres au XVIII*e *siècle*, Paris, Albin Michel, > collection « L’Évolution de l’Humanité », 2013 > > Steven J. Jackson, « Rethinking Repair », in Tarleton Gillespie, Pablo > Boczkowski, Kirsten Foot (ed.), *Media Technologies: Essays on > Communication, Materiality and Society*, Cambridge MA, MIT Press, 2014, > p. 221-239 > > François Jarrige (dir.), *Dompter Prométhée.* *Technologies et > socialismes à l’âge romantique (1820-1870), *Besançon, Presses > universitaires de Franche-Comté, 2016 > > Igor Kopytoff, “The Cultural Biography of Things: Commoditization as > Process”, in Arjun Appadurai (ed.), *op. cit.*, p. 64-91 > > Stefan Krebs, Gabriele Schabacher, Heike Weber (éd.), *Kulturen des > Reparierens. Dinge-Wissen-Praktiken*, Bielefeld, Transcript, 2018 > > Baptiste Monsaingeon, *Homo détritus*, Paris, Seuil, 2017 > > *Vance Packard, The Waste Makers*, D. McKay Co., 1960 > > Paulette Roulon-Doko, « Les mots de la réparation » in Gaetano Speranza > éd., *Objets blessés. La réparation en Afrique*, Paris, Musée du quai > Branly, 2007, p. 19-23 > > Yvan Schulz, « Réassemblages marginaux au cœur de la “Mecque du *hardware*” », > *Techniques & Culture*, 67, 2017, p. 84-99 > > Lewis H. Siegelbaum, *Cars for Comrades. The life of the Soviet > Automobile*, Ithaca, Londres, Cornell University Press, 2008 > > Giles Slade, *Made to Break. Technology and Obsolescence in America*, > Harvard, Harvard University Press, 2007 > > Gaetano Speranza éd., *Objets blessés. La réparation en Afrique*, Paris, > Musée du quai Branly, 2007 > > Yann Philippe Tastevin, *Autorickshaw : émergence et recomposition d’une > filière entre l’Inde, l’Égypte et le Congo*, Paris, éditions Karthala, > collection « Terre et gens d’Islam », sous presse > > Yann Philippe Tastevin, « Des chars à bœufs aux plateformes mobiles de > forage », *Techniques & Culture*, 67 | 2017, 196-211 > > Hélène Vérin, *La gloire des ingénieurs. 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Bordeaux Montaigne/Ausonius), Régis Bertholon > (Haute école-ARC, Neuchâtel), Thierry Bonnot (CNRS/IRIS), Marie-Sophie > Corcy (Musée des arts et métiers), Cecilia D’Ercole (EHESS/ANHIMA), Lionel > Dufaux (Musée des arts et métiers), Anne Gerritsen (Univ. of Warwick/Global > History and Culture Centre), Anne-Catherine Hauglustaine (Musée de l’air et > de l’espace du Bourget), François Jarrige (Univ. de Bourgogne/Centre > Chevrier), Régis Huguenin-Dumittan (Musée international d’horlogerie, La > Chaux-de-Fonds), Pierre Lamard (UTBM/RECITS), Thomas Le Roux (CNRS/CRH), > Sylviane Llinares (Univ. Bretagne occidentale/GIS Histoire et sciences de > la mer), Sigrid Mirabaud (Institut national du patrimoine/Laboratoire de > recherche), Nathalie Ortar (Ministère de l’Ecologie, du Développement > durable et de l’Energie/LAET-ENTPE), Yann Philippe Tastevin (CNRS/LISST > Toulouse), Marie Thébaud-Sorger (CNRS/Centre Koyré), Hélène Vérin > (CNRS/Centre Koyré), Koen Vermeir (CNRS/SPHERE), Catherine Verna (Univ. Paris 8, > CRH), Heike Weber (Univ. of Karlsruhe), Bing Zhao (CNRS/CRCAO). > Les propositions (max. 1000 signes) accompagnées d’un CV devront être > envoyées au plus tard *le 30 septembre* 2018 aux adresses suivantes : > [log in to unmask] et à [log in to unmask] Les > communications et les discussions auront lieu en français ou en anglais. > Le colloque donnera lieu à une publication. > > > > --- > tél : +33 6 79 85 43 64 / +7 499 261 79 06 > @ : [log in to unmask] > > > > Vous devez vous-même enregistrer dans l'agenda de Theuth vos annonces de > conférences et appels à communication(http://theuth.fr). Cela suppose une > inscription sur le site. 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