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Mémoires des migrations et temps de l’histoire
Colloque du 22 au 24 novembre 2012, Cité nationale de l’histoire de l’immigration, Paris.

Appel à contributions [see below for English version]

Depuis une trentaine d’années, les mémoires sont devenues omniprésentes dans l’espace public, et un objet d’étude pour l’histoire et les sciences sociales. Dans cet ensemble, les migrants occupent une place singulière. En France, ils ont été acteurs de ces mobilisations mémorielles, sans toujours le faire au nom de leurs origines. Dans le champ scientifique, des études portant sur les mémoires des migrations ont déjà permis d’éclairer un groupe ou un événement, mais leur historicisation reste encore largement à définir et à explorer.

L’approche par les mémoires des migrations permet d’envisager l’émigration et l’immigration, mais aussi les différentes catégories de migrants quel que soit leur statut. Par ailleurs, elle pose comme hypothèse la pluralité des mémoires selon les groupes, les motifs et les conditions de départ, les espaces d’installation, les époques. Enfin, elle laisse ouverte la définition de ce qui fait mémoire, par-delà l’expression des souvenirs individuels.
La première série de questionnements renvoie à la place des migrations dans cette résurgence des mémoires. Quelles mémoires des migrations s’expriment ici ? Comment s’articulent-elles à l’évolution générale du rapport au passé ? Est-ce qu’elles ressortent, comme ailleurs, d’une revendication de reconnaissance, voire de réparation ? Si on les confronte aux autres mobilisations mémorielles, est-ce qu’elles portent une temporalité singulière ? Des modalités d’expression et de transmission différentes ?

L’expression au présent de ces mémoires ne peut se comprendre sans être replacée dans un processus de plus longue durée, au cours duquel le rapport au passé a revêtu des formes différentes, qu’il s’agira également de saisir.

Mais au-delà de ces mobilisations contemporaines, il convient de réfléchir plus généralement au rôle tenu par la mémoire dans l’histoire des migrations depuis le XIXe siècle, notamment dans la formation des identités de groupe et dans la constitution de réseaux transnationaux et diasporiques.

Nous proposons de nourrir la réflexion autour de cinq axes, dont les frontières sont évidemment poreuses.

• Événement, temporalités et transmission
Le concept de génération constitue une interrogation centrale. Comment s’opère la transmission d’une génération à l’autre ? Dans le domaine des engagements, la mémoire fonctionne-t-elle comme un palimpseste, chaque génération imposant une mémoire qui efface les précédentes ? Est-ce qu’elle procède, à l’inverse, de l’héritage, chaque combat se nourrissant de ceux qui l’ont précédé ? Comment le passage de la génération de l’expérience à celles qui n’ont pas vécu l’événement, transforme la mémoire ? Enfin, on s’interrogera sur les transmissions d’une vague migratoire à l’autre : les groupes les plus récents élaborent-ils des pratiques mémorielles fondées sur celles de groupes mieux établis ? Il faudra sans doute distinguer les transmissions liées aux mobilisations en migration, de celles qui relèvent de son expérience intime. Dans ces transferts générationnels, la famille occupe-t-elle une place centrale ? Il peut paraître utile de reprendre ici la notion de « post-mémoire », définie par Marianne Hirsch dans le cadre des mémoires de la Seconde Guerre mondiale et de l’extermination des Juifs, pour l’élargir aux migrations. Enfin, on essaiera de réfléchir, dans une perspective comparatiste, au rapport à la mémoire des différentes vagues migratoires.

• Territoires géographiques, espaces sociaux, mobilités et jeu d’échelles
La construction et la circulation des mémoires peuvent aussi être approchées, à travers les territoires géographiques et les espaces sociaux.

Il s’agira d’abord de réfléchir à la pertinence du cadre national et de varier les échelles, du local à l’international, au transnational et aux diasporas. On pourra aussi décentrer les regards et étudier les mémoires à partir des pays d’origine, y compris celles des migrants qui sont rentrés.

La réflexion autour d’une géographie mémorielle peut nourrir d’utiles comparaisons. Le rapport à la mémoire, son expression dans l’espace public, les « politiques symboliques » ont-elles, dans les pays d’origine et dans les sociétés d’accueil, des points de convergence ou plutôt des spécificités nationales ?

La problématique des mobilités ouvre des pistes pour aborder le rôle, dans la construction des mémoires, de tout ce qui circule : les femmes et les hommes bien sûr, mais aussi les photographies, les correspondances ou les journaux intimes, ce qui renvoie à la question des sources. La multiplicité des lieux et des milieux en jeu impose aussi de réfléchir aux « frontières » entre les différents espaces sociaux des mémoires : espaces privés et familiaux, espaces publics ou semi-publics (les associations, le bal, les cafés, les foyers, etc.). Il s’agira de regarder comment s'y manifestent les processus mémoriels et ce qui relève, ou non, d'une spécificité des mémoires des migrations.

• Identités et multi-appartenances
Les mémoires des migrants ne peuvent se penser en référence au seul fait migratoire. Il nous paraît important de les confronter au cadre théorique élaboré dans l’entre-deux-guerres par Maurice Halbwachs, y compris dans ses évolutions, et de voir quels rôles respectifs jouent dans la construction des mémoires de migrants, la migration mais aussi d’autres appartenances : politique, territoriale, religieuse, sociale ou de genre. Ces mémoires sont en effet à penser comme un processus d’interactions entre l’individu et le groupe, mais aussi entre les différents groupes sociaux. On pourra également mettre en regard le rôle des mémoires dans les constructions identitaires, et la valeur que leur accordent les sociétés d’accueil. À titre d’exemple, l’identité européenne permet désormais aux migrants originaires de l’Union des appartenances multiples, posture souvent refusée aux migrants extra-européens.

• Politiques symboliques et patrimonialisation
Depuis les années 1980, les politiques symboliques ont répondu à des mobilisations mémorielles, dans le champ des migrations et ailleurs, suscitant en retour d’autres initiatives. Les pouvoirs publics participent ainsi au jeu des constructions mémorielles, qu’ils peuvent activer, soutenir, mais aussi empêcher, notamment par le bais des politiques culturelles et des financements. Quels sont les processus de reconnaissance possibles, et à l’œuvre, pour les mémoires de migrations ? Les pouvoirs publics se préoccupent-ils de mémoire ou d’une gestion du fait minoritaire ? L’Union européenne exerce-t-elle une influence particulière, à travers ses subventions et la définition d’enjeux qui dépassent le cadre national ?

Quel rôle tient la patrimonialisation, et selon quelles formes, dans le processus de reconnaissance ? Poser cette question renvoie à d’autres interrogations : quel rôle est dévolu aux migrants, et quel rôle revendiquent-ils ? On s’intéressera notamment aux musées dans leurs différentes formes, et à la création artistique confrontée aux mémoires, à leur usage, à leur médiation et à leur réception.

• Historiens de l’immigration et mémoires des migrations
Les débats historiographiques des dernières décennies ont permis de réfléchir au rôle du témoin et de la mémoire dans l’écriture du passé. Ils ont aussi tourné les regards vers l’histoire de ceux qui laissent peu de traces dans les archives, faisant ainsi émerger une réflexion sur les sources et sur d’autres manières d’écrire l’histoire.

À l’intersection de ces évolutions, il semble utile d’analyser la place qu’occupent les mémoires dans les travaux des historiens et dans les débats historiographiques sur les migrations.

Organisation du colloque:

Envoi et choix des propositions
Les propositions de communication doivent être envoyées en français ou en anglais (fichier attaché en format word ou rtf).

Elles comporteront un titre et un résumé d’environ 3000 signes (450 mots), les coordonnées complètes de l’intervenant (nom, prénom, fonction et rattachement institutionnel, courriel, adresse postale du domicile, téléphone) et une courte biographie.

Le texte définitif des communications devra être envoyé trois semaines avant le colloque pour être transmis aux discutants.

Plusieurs types de propositions seront plus particulièrement appréciées : celles privilégiant une analyse dans le temps long de l’histoire, celles prenant en compte les mobilités entre espaces sociaux ou géographiques, celles enfin développant une perspective comparative entre pays d’origine ou pays d’accueil.

Dans ce colloque à vocation interdisciplinaire, les propositions intégrant une réflexion épistémologique seront les bienvenues.

Une attention particulière sera apportée aux propositions des doctorant(e)s et des jeunes chercheurs et chercheuses.

Adresse courriel
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Calendrier

Date limite d’envoi des propositions : 25 mars 2012
Choix définitif des propositions par le comité scientifique : début mai 2012
Réception des textes des communications : 31 octobre 2012

Déplacements
Les frais de voyage et d’hôtel sont pris en charge par les organisateurs du colloque. L’organisation sera précisée aux intervenants retenus au mois de juin.

Comité scientifique
Marianne Amar (Cité nationale de l’histoire de l’immigration), Michèle Baussant (Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative, Université Paris Ouest Nanterre La Défense), Hélène Bertheleu (Université de Tours, CITERES), Yvan Gastaut (Université de Nice Sophia Antipolis, Urmis), Nancy L. Green (EHESS, Centre de recherches historiques), Jim House (University of Leeds), Tony Kushner (University of Southampton), Marie-Claire Lavabre (Institut des sciences sociales du politique, Université Paris Ouest Nanterre La Défense), Sabina Loriga (EHESS, Centre de recherches historiques), Denis Peschanki (Centre d’histoire du XXe siècle, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne), Laure Pitti (Université Paris 8, CSU-CRESPPA), Henry Rousso (Institut d’histoire du temps présent), Scott Soo (University of Southampton), Laure Teulières (Université Toulouse-Le Mirail / FRAMESPA).

Partenariats
Le colloque est organisé par la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, en partenariat avec les laboratoires Framespa (CNRS / Université Toulouse II-Le Mirail, UMR 5136) et Citeres (CNRS / Université de Tours, UMR6575)
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ENGLISH VERSION

Memories of migrations and historical time
Conference to be held 22nd - 24th November 2012

Cité nationale de l’histoire de l’immigration (CNHI, National Centre for the History of Immigration), Paris

Call for papers

For the past thirty years, memories have become ubiquitous in the public sphere and a recognised field of enquiry in historical studies and the social sciences. Within this framework, migrants have a particular place: in France, they have been actors of these memorial mobilisations but have not always done so on behalf of their origins. Research-wise, studies on memories of migrations have already shed light on a group or a particular event but defining and exploring the historicisation of such memories remains to be done.

Thinking of memories of migrations - in the plural - enables us to consider both emigration and immigration but also the different categories of migrants regardless of their status. Furthermore, it implies a plurality of memories according to groups, their reasons for leaving, conditions of departure, places of settlement and time periods. Lastly, the term broadens the definition of what constitutes memory and moves beyond the expression of individual memories.

The first series of questions relates to the place of migrations in this memorial resurgence. Which memories of migrations are being expressed here? How do they articulate with the general societal evolution of the relation to the past? Do they emerge, as in other contexts, from claims for recognition or reparation? Do they have a specific temporality, when compared to other memorial mobilisations? Are they expressed and transmitted in different ways? The expression of such memories today cannot be understood without being placed within a longer-term process during which the relation to the past has taken different forms that also need to be analysed.

However, beyond these contemporary mobilisations, it is important to reflect more generally on the role played by memory in the history of migrations since the nineteenth century, especially regarding the formation of group identities and the establishment of transnational and diasporic networks.

This conference aims to stimulate reflection by focussing on five main, albeit overlapping, areas.

• Event, temporalities and transmission
 “Generation” as a concept forms a central question. How does transmission take place from one generation to the next? With regards to political mobilisations, does memory function like a palimpsest, with each generation imposing its memory and erasing the previous ones? Or do mobilisations in fact inherit from the past, nourished by previous struggles? How is memory transformed when the lived experience of the migrant generation is transmitted to those who have not migrated? The issue of memory transmitted from one migratory flow to another will also be addressed: do the most recent groups develop memorial practices with regard to more established migrant groups? Most probably, it will be important to distinguish between the kind of transmission which is linked to public migration-related mobilisations and that which draws from intimate experience. Does the family hold a central place within these transfers across generations? It may be useful to use the notion of “post-memory”, put forward by Marianne Hirsch with regards to memories of the Second World War and the extermination of the Jews, and broaden it to the case of migrations. Finally, from a comparative perspective, the conference will reflect upon how the different migratory flows relate to memory.

• Geographical territories, social spaces, mobilities and levels of analysis
The construction and the circulation of memories can also be analysed through geographical territories and social spaces. Firstly, the aim is to consider the relevance of a national framework and to vary the levels of analysis, from the local to the international, transnational and diasporic. This varied topographical focus also encourages the study of memories seen from the migrants’ country of origin as well as the memories of returnee migrants.

The reflection on the geography of memory can feed useful comparisons. Between country of origin and that of settlement, do we see similarities between the relation to memory, its expression in the public sphere, and the introduction of policies relating to symbolic memory-related demands or, instead, are there national specificities?

“Mobilities” allows analysis of the different ways of considering all that circulates in the construction of memories: men and women, but also material objects such as photographs, letters or diaries, and that also raise the question of sources. The diversity of spaces and social backgrounds involved requires reflection on the “borders” that exist between the different social spaces of memory: private and family spaces, public or semi-public spaces (associations, dancehalls, cafés, migrant hostels, etc.). It will be interesting to see how memorial processes manifest themselves in such spaces and what aspects are specific to memories of migration.

• Identities and multiple belonging
Migrants’ memories cannot be dealt with solely in reference to migration. It is important to compare such memories to the theoretical framework (itself changing with time) developed by Maurice Halbwachs in the inter-war period, and to see the roles  played by political, territorial, religious, social and gender affiliations in how migrants construct their memories. These memories can effectively be regarded as an interactive process arising from relations between individuals and groups but also between different social groups. The role of memories in identity construction and the value such memories are given by host societies can also be compared. For example, while European identity now allows European Union (EU) migrants to belong simultaneously to different identities, multiple belonging is often denied to non-EU migrants.

• Symbolic policies and heritage
Since the 1980s, the symbolic policies of public authorities have responded to memorial mobilisations in the field of migration and elsewhere. Such interventions have in turn produced further initiatives. Thus, by activating, supporting but also preventing activities, public authorities participate in the construction of memories through cultural policies and funding. What are the recognition processes at work? Are there other processes to be identified? Are public authorities concerned by memory or by the ‘management’ of minorities? Does the EU have a particular influence through its system of grants and the definition of issues that transcend the national framework?

What role does heritage play and how is this manifest in the recognition process? This question leads on to others: which roles are assigned to migrants and which roles do they claim? We will focus in particular on different kinds of museums, as well as on artistic creativity, taking into account how these memories are used within cultural production, how they are mediated and in turn received by the public.

• Historians of immigration and memories of migrations
Historiographical debates of the past decades have involved reflecting upon the role of the witness and of memory in the writing of the past. Such debates have also focused attention on the history of those who leave few archival traces, thus contributing to greater reflection on sources and on other ways of writing history. At the intersection of these developments, it would be useful to analyse how memories influence the works of historians and the historiographical debates on migrations.

Organisation

Proposals for papers should be sent in French or English (Word format or as an rtf attachment).
Proposals should include a title and abstract of 3,000 characters (450 words), as well as your contact details (surname, first name, post and institutional affiliation, email and (home) postal addresses, telephone numbers) and a short biography.
Final papers should be submitted at least three weeks before the conference to be read in advance by the discussants.

Several types of proposals will be particularly welcome: those favouring a long-term historical analysis across the centuries; those considering mobility between social or geographical spaces; and finally, those developing a comparative perspective between country of origin and receiving country. More widely, this interdisciplinary conference embraces all proposals incorporating an epistemological reflection.

Submissions by doctoral students and early career researchers are particularly welcome.

Contact details
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Time scale
Deadline for submissions: 25 mars 2012
Conference Committee makes final selection of papers: May 2012
Deadline for written conference papers: 31 October 2012

Expenses
Speakers’ travel and accommodation expenses will be covered by the conference organisers; further details will be sent out in June 2012.

Conference committee
Marianne Amar (Cité nationale de l’histoire de l’immigration), Michèle Baussant (CNRS/EHESS), Hélène Bertheleu (Université de Tours, CITERES), Yvan Gastaut (Université de Nice Sophia Antipolis, Urmis), Nancy L. Green (EHESS, Centre de recherches historiques), Jim House (University of Leeds), Tony Kushner (University of Southampton), Marie-Claire Lavabre (Institut des sciences sociales du politique, Université Paris Ouest Nanterre La Défense), Sabina Loriga (EHESS, Centre de recherches historiques), Denis Peschanki (Centre d’histoire du XXe siècle, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne), Laure Pitti (Université Paris 8, CSU-CRESPPA), Henry Rousso (Institut d’histoire du temps présent), Scott Soo (University of Southampton), Laure Teulières (Université Toulouse-Le Mirail / FRAMESPA).

The conference is organised by the Cité nationale de l’histoire de l’immigration, in partnership with the research centres Framespa (CNRS / Université Toulouse-Le Mirail) and Citeres (CNRS / Université de Tours)


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Note: The material contained in this communication comes to you from the
Forced Migration Discussion List which is moderated by Forced Migration
Online, Refugee Studies Centre (RSC), Oxford Department of International
Development, University of Oxford. It does not necessarily reflect the
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