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Pierre-Alexandre Orsoni Président
Daniel Garnier Secrétaire
Daniel Amphoux Trésorier 
 
 
RENDEZ-VOUS  A l'occasion des "Etats généraux de l'écologie politique", Daniel Garnier, Secrétaire de l'AMFP-Marseille, interviendra le samedi 13 mai 2000 à partir de 14h30, dans les locaux du journal Taktik - 55 cours Julien (Marseille 6°) sur la situation des Territoires palestiniens aujourd'hui. (Entrée libre - Métro ou parking Cours Julien)
 
TELEVISION Femmes de Palestine documentaire diffusé sur Téva le samedi 6 mai 2000 de 08:00 à 08:30 (30 min)
La lutte des femmes palestiniennes en faveur du changement. Les accords de paix signés entre Rabin et Arafat en septembre 1993 ont ouvert la voie vers une autonomie partielle des territoires palestiniens, et ce après cinquante ans de conflits particulièrement violents. Les femmes, qui pendant les affrontements remplacèrent souvent les hommes, emprisonnés ou exilés, mènent maintenant une lutte sans merci pour leur dignité et celle de leur peuple. Dans les camps où elles travaillent, elles tentent notamment de conserver leur culture.
 
TELEVISION Le XXe siècle - Palestine, la première intifada documentaire diffusé sur TPS Histoire le mercredi 10 mai 2000 de 21:00 à 22:00 (60 min) réalisé par Antonia Benedek
Entre 1936 et 1939, la répression d'un soulèvement palestinien par les autorités britanniques fait figure de "première intifada". A la fin des années 80, les Palestiniens manifestent leur hostilité à l'autorité israélienne. La "guerre des pierres" fait des centaines de morts et des vagues dans l'opinion internationale. Pourtant dès 1936, les Palestiniens se levaient pour réclamer plus d'autonomie. Le pays, alors sous mandat britannique, fut troublé par la révolte armée des paysans, réprimée avec une sévérité semblable à celle des Israéliens cinquante ans plus tard. L'essentiel de cet épisode de l'histoire palestinienne a été éclipsée par la révolte juive qui a suivi la guerre et abouti à la fin du mandat britannique.
 
 
Au sommaire du 56° POINT D'INFORMATION PALESTINE DU 03/05/2000 :
  1. Israël : Ehoud Barak lutte pour conserver sa coalition gouvernementale par Georges Marion in Le Monde du mercredi 3 mai 2000
  2. Directeur du bureau politique du président syrien Hafez Al-Assad, Riyad Naasan Agha, également penseur, parle du processus de paix et de la situation du monde arabe au début du XXIe siècle propos recueillis par Atef Saqr in Al Ahram Hebdo du mercredi 3 mai 2000
  3. Le ministre palestinien des Affaires parlementaires, Nabil Amr, demande aux Etats-Unis de s'investir davantage. Au moment de la repise des négociations... et de la colonisation propos recueillis par Mohamed Amin Al-Masry in Al Ahram Hebdo du mercredi 3 mai 2000
  4. Les ministres des Affaires étrangères de Syrie, d'Egypte et d'Arabie saoudite se réunissent ce mercredi en Syrie pour évoquer les moyens de "ranimer" le processus in Al Ahram Hebdo du mercredi 3 mai 2000
  5. La colonisation reprend par Rania Adel in Al Ahram Hebdo du mercredi 3 mai 2000
  6. Israël persiste et signe. Il ne veut pas renoncer à l'arme nucléaire, contre la volonté de l'ensemble de la communauté internationale in Al Ahram Hebdo du mercredi 3 mai 2000
  7. Atarot, un aéroport en partage ? par Serge Dumont in Le Soir (quotidien belge) du mardi 2 mai 2000
  8. Les colons juifs organisent la résistance in Le Soir (quotidien belge) du mardi 2 mai 2000
  9. Proche Orient: l'émissaire U.S. Dennis Ross se rend à Eilat par Wafa Amr Dépêche de l'agence Reuters du mardi 2 mai 2000, 20h53
  10. Les "aveux" du principal accusé juif font craindre un verdict sévère Dépêche de l'Agence France Presse du mardi 2 mai 2000, 13h22
  11. Arafat résolu à proclamer un Etat palestinien en septembre Dépêche de l'agence Reuters du mardi 2 mai 2000, 9h32
  12. Jérusalem-Ankara les dessous d'une alliance par Walid Charara in Regards du mois d'avril 2000
  13. La nébuleuse terroriste en mutation, selon Washington Dépêche de l'Agence France Presse du lundi 1 mai 2000, 17h20
  14. Le procès des Juifs iraniens prend une tournure délicate Dépêche de l'Agence France Presse du lundi 1 mai 2000, 17h03
  15. Le droit à un Etat indépendant n'est pas négociable pour les Palestiniens Dépêche de l'Agence France Presse du lundi 1 mai 2000, 15h57
  16. Portrait d'Elias Khoury : Le singulier universel par Roula Mouaffak in Le Magazine (hebdomadaire libanais) du 28 avril 2000
 
REVUE DE PRESSE PALESTINE

1. Le Monde du mercredi 3 mai 2000
Israël : Ehoud Barak lutte pour conserver sa coalition gouvernementale par Georges Marion notre correspondant à Jérusalem
Après l'avoir longtemps battu froid, le rabbin Ovadia Yossef, leader spirituel du Shass, parti des ultra-orthodoxes séfarades qui contrôle 17 députés à la Knesset, a finalement accepté de rencontrer Ehoud Barak dont le gouvernement compte dans ses rangs quatre ministres et trois secrétaires d'Etat du même parti. La rencontre a eu lieu dimanche 30 avril, au domicile du rabbin, alors que la soirée était déjà bien avancée, sans journalistes pour interroger les personnalités à la sortie ni photographes pour immortaliser la scène. L'entrevue n'était, il est vrai, guère glorieuse pour le premier ministre dont les émissaires frappaient sans succès à la porte du rabbin depuis déjà plusieurs jours. Dimanche soir, le saint homme s'est finalement laissé fléchir, espérant empocher, pour prix de sa bonté, de quoi relever son réseau d'écoles rabbiniques proche de la faillite.
A-t-il été récompensé ? Lundi, personne n'a voulu donner le résultat chiffré de l'entrevue - les indiscrétions les plus extrêmes, voire les plus farfelues, parlent de sommes allant de 17 à 85 millions de francs - mais personne non plus n'a affirmé que les deux hommes avaient passé leur soirée à étudier la Thora.
Car, selon toute vraisemblance, c'est bien d'argent dont ils ont parlé, sujet qui oppose, depuis maintenant plusieurs mois, le ministre de l'éducation nationale, Yossi Sarid, et le Shass. Le premier, chef du parti Meretz, formation laïque de gauche, est en effet fermement opposé à ce que l'Etat augmente sa participation financière dans le réseau des écoles religieuses du Shass, arguant que le parti aura tôt fait de diriger la manne vers d'autres horizons que ceux de l'éducation." Si le Shass reçoit les subsides qu'il réclame, a prévenu M. Sarid , je démissionne et, avec moi, les autres ministres de mon parti. "Or le Shass a un urgent besoin de cet argent pour faire fonctionner ses écoles, outil important de son influence politique, et accessoirement moyen de nourrir une partie de ses cadres. Alors que son électorat appartient plutôt à la droite populaire, le parti n'a accepté de s'allier à Ehoud Barak que pour continuer à bénéficier des largesses de l'Etat. Mais en la personne de Yossi Sarid il est tombé sur un adversaire têtu, fatigué des prébendes diverses consenties aux partis religieux. Depuis des mois, le ministre non seulement refuse de débloquer les fonds, mais aussi de donner des responsabilités à son secrétaire d'Etat, Meshoulam Nahari, au prétexte que ce dernier appartient au Shass.
AU PLUS MAUVAIS MOMENT
Le parti religieux a d'abord haussé le ton, s'est échauffé en votant quelques textes avec l'opposition, puis a menacé Yossi Sarid des foudres divines sur un ton qui vaut au rabbin Yossef d'être l'objet d'une enquête préliminaire pour incitation à la violence. Enfin, à bout de patience, le Shass a annoncé qu'il quitterait le gouvernement s'il ne recevait pas son argent. Ehoud Barak qui, jusque-là, s'était bien gardé d'intervenir, est finalement descendu dans l'arène pour tenter de recoller les morceaux.
Quelle solution a-t-il imaginé alors que céder à l'un équivaut à se séparer de l'autre et inversement ? Nul ne le sait encore. La seule chose qui paraît certaine, c'est que M. Barak n'aurait accepté de donner l'argent convoité que si le Shass se conduisait désormais en partenaire loyal, ce qu'il se serait engagé à être.
Quoi qu'il en soit, cette crise intervient au plus mauvais moment pour un premier ministre aux prises avec les difficultés de la négociation israélo-palestinienne. Tout entier absorbé par ses pourparlers avec les Syriens, M. Barak a longtemps négligé le côté palestinien de ses problèmes. Maintenant que la négociation avec Damas a capoté, le chef du gouvernement, qui a un urgent besoin de succès politique, a relancé le volet palestinien, promettant quelques concessions pour amadouer ses interlocuteurs. Depuis dimanche, à Eilat, ses représentants font face à leurs interlocuteurs palestiniens, essayant de respecter les contraintes d'un calendrier souvent remanié.
Parmi les mesures susceptibles de manifester sa bonne volonté, M. Barak a notamment laissé entendre qu'il s'apprêtait à remettre à l'Autorité palestinienne trois localités arabes jouxtant Jérusalem, parmi lesquelles Abou Dis, où pourrait s'installer le Parlement palestinien, voire, selon certains, la capitale du futur Etat palestinien. La perspective de la restitution d'Abou Dis a aussitôt soulevé les protestations des partis de droite membres de la coalition. Cette fois, c'est le Parti national religieux (PNR) et les russophones d'Israël Be Alya qui menacent de quitter le bateau gouvernemental. Pour les premiers, toute restitution aux Palestiniens de territoires qu'ils considèrent comme " la terre sacrée d'Israël " est tout simplement inenvisageable ; pour les seconds, se séparer d'Abou Dis dans une étape préliminaire de la négociation obligera à se séparer d'une meilleure carte encore lorsqu'il faudra boucler l'accord final.
M. Barak en est donc à courir pour rapiécer les morceaux d'une coalition dont les composantes manifestent de fortes tendances centrifuges. Habile, il a jusqu'ici toujours su remonter la pente. Mais la répétition de ces épisodes affligeants commence à donner une bien mauvaise image d'un gouvernement chiche en succès.
 
2. Al Ahram Hebdo du mercredi 3 mai 2000
Directeur du bureau politique du président syrien Hafez Al-Assad, Riyad Naasan Agha, également penseur, parle du processus de paix et de la situation du monde arabe au début du XXIe siècle propos recueillis par Atef Saqr
La cause arabe est aujourd'hui mieux comprise
Al-Ahram Hebdo : Etes-vous optimiste sur les chances d'aboutissement du processus de paix israélo-arabe ?
Riyad Naasan Agha : Les prémices d'un optimisme quant à l'avenir arabe se profilent à l'horizon. A l'échelle internationale, la cause arabe a occupé le devant de la scène. Un intérêt mondial a été particulièrement accordé au processus de paix, pour mettre un terme au conflit arabo-israélien et récupérer les droits arabes. Les années 90 ont été le témoin d'une meilleure compréhension internationale des droits et des intérêts arabes. Le monde entier a réalisé que les Arabes sont les détenteurs de droits et se veulent de fervents apôtres de la paix. C'est là une évolution qui sans doute se répercutera de manière positive sur l'avenir arabe.
Malgré cela, il existe de nombreux malentendus dans certains médias. Par exemple, les Arabes et les musulmans sont présentés par ces médias comme des terroristes et leur image est défigurée. Il faut consacrer à ce sujet des efforts multipliés au cours des prochaines années, pour mettre à nu toutes les réalités devant l'opinion internationale. D'autant que la révolution des communications pourra aider à réaliser cet objectif.
- Pensez-vous que la diffusion par satellite présente un danger culturel pour le monde arabe ?
- La diffusion par satellite a présenté des solutions rapides à la nation arabe pour la problématique de la communication et de la complémentarité culturelle entre Arabes. Nous espérons que les médias de nos pays feront un bond en avant, pour mieux communiquer avec le monde à travers des chaînes internationales qui sont diffusées dans toutes les langues vivantes afin d'expliquer les causes arabes et approfondir les liens du peuple arabe avec ceux des cinq continents.
- Quelles seront les priorités de la Syrie après l'aboutissement du processus de paix ?
- Quand le processus de paix actuel parviendra à une paix juste et globale dans la région, les prochaines générations auront l'occasion de poursuivre le développement global. Le XXe siècle est fini, mais la nation arabe continue de souffrir de maux sérieux en dépit des accomplissements réalisés. Nous souffrons toujours des problèmes de l'analphabétisme, de l'analphabétisme culturel, de la désertification, du chômage, de la faiblesse du commerce interarabe et de l'incapacité de bénéficier des ressources et des richesses naturelles sur toute l'échelle arabe. Nous avons également le problème de l'énormité des importations de biens alimentaires et de consommation outre ceux de logements. Ces questions occuperont la première place durant la première décennie du troisième millénaire.
- Ne pensez-vous pas que les divergences arabes sont autant d'obstacles au développement du monde arabe ?
- Les divergences arabes ont gravement porté atteinte au vécu de la nation arabe et à son avenir. Cependant, la plupart d'entre elles s'inscrivent et se cantonnent dans un cadre officiel, et c'est ce qui fait revivre en nous l'espoir de leur trouver une solution. D'autant plus que le peuple arabe se considère comme une seule famille. La preuve en est sa réaction contre l'agression que subit le peuple iraqien et contre l'embargo sur la Libye. N'oublions pas que tous les membres de la famille arabe ont un sens élevé de la tolérance entre eux. Ils ont une aspiration à un avenir meilleur. Etant donné que de nombreuses divergences arabes sont artificielles et résultent de complots visant à fragiliser et à affaiblir la nation arabe, il est à espérer qu'on trouvera une solution adéquate, surtout que les Arabes sont à l'heure actuelle mieux armés et sensibilisés quant aux dangers de la persistance de ces divergences.
- Croyez-vous que la mondialisation menace l'identité arabe ?
- Cette identité n'est pas du tout menacée en raison de ses racines profondes et de ses caractéristiques bien définies. La preuve en est l'échec de la première croisade il y a environ 1 000 ans. Ensuite, il y a eu les Mamelouks qui, appartenant à plusieurs nationalités, ont gouverné la nation arabe et islamique. Puis il y a eu le règne des Ottomans qui a duré 4 siècles. C'était ensuite au tour des colonisations britannique, française et italienne. Tout ceci n'a guère effacé les traits distinctifs de la langue, de la culture et des traditions. La nation arabe a été la seule à résister à l'invasion culturelle des occupants et à préserver sa propre identité culturelle. C'est pourquoi nous avons des raisons de nous rassurer sur l'avenir de l'identité de la nation, qui s'attache à la langue du Coran, protégée par Dieu.
Le panarabisme est une identité bien définie, et la mondialisation ne constitue guère une menace pour les cultures. Au contraire, la mondialisation ouvre devant l'arabisme des horizons de dialogue et de communication et permet aux Arabes la diffusion de leur culture en accentuant le rôle historique de leur civilisation. Je pense que les sociétés européennes et américaines subiront durant la seconde moitié de ce siècle une influence importante de la culture arabe.
- Vous parlez de l'arabisme en tant qu'identité de la nation arabe. Mais ne pensez-vous pas que la montée de l'islam politique a fait de l'ombrage à cet arabisme ?
- Il est important d'établir une compréhension entre les tenants des courants islamique et panarabe afin de mettre un terme à la divergence artificielle qui les oppose. Tout ceci contribuerait à mettre fin aux incessantes tentatives visant à déformer l'image de l'islam et de l'arabité. Il semble que des forces étrangères sont derrière les tendances extrémistes et fanatiques arabes qui ont été le lot de la région arabe des années durant et qui lui ont porté un grave préjudice. Ces forces étrangères ont sans nul doute contribué à créer cette séparation, ou ce fossé artificiel entre le discours nationaliste et le discours islamique, alors qu'en réalité, ils sont indissociables, voire parfaitement homogènes.
L'islam est l'aspect civilisationnel et le message planétaire de l'arabisme. Du point de vue de la civilisation, l'islam est une conclusion de toutes les religions qui l'ont précédé. Quant à l'arabisme, il est le contenu, en termes de temps, d'espace et de population, de la pensée islamique. Certains penseurs du courant nationaliste arabe ont fait une erreur lorsqu'ils ont minimisé l'importance de l'islam dans la composition de l'arabisme. Ils n'ont pas réalisé que l'arabisme était le corps et que l'islam était l'âme. De même, les intellectuels de tendance islamique ont eu tort de considérer que l'appel au nationalisme arabe était vain, ignorant que le panarabisme était la mère du message religieux.
- Les intellectuels arabes ont-ils ici un rôle à jouer ?
- Je pense que les tentatives de révision approfondies élaborées par les intellectuels et les penseurs arabes sont positives. Ces révisions remettent en question la période de la renaissance, mais formulent les réponses avec une profonde compréhension des changements internationaux, du phénomène de la mondialisation, de la révolution technologique et de celle des communications. Ces tentatives bénéficient des accomplissements arabes dans les domaines de l'enseignement supérieur et de l'introduction de la technologie, ainsi que des expériences de démocratie, de l'élargissement de la participation populaire et du pluralisme.
Il existe aussi une conscience populaire arabe sur la nécessité de revenir au système de valeurs arabes authentiques dans les programmes éducatifs.
Une meilleure formation des générations futures capables d'assumer charges et responsabilités sera à l'origine de tout essor. Il est indéniable que les différents médias assument une responsabilité considérable dans ce domaine.
 
3. Al Ahram Hebdo du mercredi 3 mai 2000
Le ministre palestinien des Affaires parlementaires, Nabil Amr, demande aux Etats-Unis de s'investir davantage. Au moment de la repise des négociations... et de la colonisation propos recueillis par Mohamed Amin Al-Masry notre correspondant à Gaza
Les Américains doivent être plus que des arbitres
Al-Ahram Hebdo : Alors que les Israéliens et les Américains sont optimistes quant à l'aboutissement du processus de paix, les Palestiniens ne le sont pas. Pourquoi ?
Nabil Amr : La dernière période a témoigné de plusieurs événements politiques qui ont affecté le processus de paix, dont le plus important est la poursuite de la colonisation intensive. En outre, chaque fois qu'il y a un blocage sur le volet syrien, le premier ministre israélien, Ehud Barak, assure qu'il accordera plus d'intérêt au volet palestinien. Cette attitude ne nous satisfait pas. Le volet palestinien ne doit pas être utilisé pour exercer une pression sur un autre volet. Il est aussi important que les autres. D'autre part, les membres des délégations palestinienne et israélienne ont passé des dizaines d'heures dans des négociations à Washington sans parvenir à des progrès concrets. N'oublions pas que la troisième phase du redéploiement doit avoir lieu dans un mois et qu'un accord-cadre doit être conclu en mai afin de signer en septembre l'accord final. Le temps passe et il y a peu de progrès.
- Les négociateurs palestiniens ont menacé à plusieurs reprises de boycotter les négociations en cas de poursuite de la colonisation, mais il ne l'ont jamais fait. Pourquoi ?
- Notre crise actuelle avec Israël n'est pas une crise de négociations, mais c'est plutôt la crise de ce qui se passe dans les territoires. La colonisation, notamment autour de Jérusalem, alors qu'on est censé avoir affaire à un gouvernement de paix israélien, a provoqué l'indignation de la société palestinienne. Il ne faut pas parler de paix, alors qu'on procède à des mesures qui la contredisent. Si les Israéliens respectent les principes de la paix, nous serons tout à fait coopératifs. S'ils continuent à tergiverser, ceci mènera à des conséquences néfastes qu'on ne peut pas prédire.
- Pourquoi les Américains continuent-ils à afficher leur optimisme, alors que le volet palestinien traverse une crise ?
- Les Américains préfèrent le plus souvent entretenir une ambiance d'optimisme parce qu'ils parrainent le processus de paix, et ne veulent pas qu'on dise qu'il se détériore. Nous comprenons cela et nous l'apprécions. Toutefois, cela ne doit pas les empêcher de fournir tous leurs efforts pour sauver le processus de paix du doute et du scepticisme qui se sont installés. Nous demandons aux Américains de s'asseoir avec nous à la table des négociations et de faire plus qu'un simple rôle d'arbitre. Si nous voulons parvenir à des résultats, les Américains ne doivent pas favoriser la partie israélienne étant donné que les Palestiniens ne concéderont plus rien, notamment en ce qui concerne les questions du statut final.
- Plusieurs scénarios concernant l'Etat palestinien et sa nature sont évoqués de temps à autre par Tel-Aviv. Comment réagissent les Palestiniens ?
- Il existe bon nombre de scénarios, dont un qui propose d'attribuer la localité d'Abou Dis (ndlr : dans la banlieue de Jérusalem) à l'Autorité palestinienne contre le rattachement de la colonie Maalé Adoumim (ndlr : la plus grande colonie en Cisjordanie) à Israël. Tous ces scénarios ne nous intéressent pas et nous les rejetons. Le côté israélien doit nous rendre dans le troisième redéploiement le reste des territoires, à l'exception de ceux qui font l'objet de mesures particulières dans le cadre des négociations sur le statut final. Nous devons obtenir tous les territoires de la bande de Gaza et de la Cisjordanie, sauf les sites militaires et les colonies dont le sort sera débattu ultérieurement et qui ne représentent que 5 % des territoires palestiniens. Nous prévenons les Palestiniens qu'ils ne doivent pas prendre ces scénarios pour des réalités. Nous ne devons examiner que ce que la partie israélienne présente officiellement sur la table des négociations. Notre terre ne sera soumise à aucun marchandage, elle constitue la base sans laquelle il n'y aura pas d'Etat.
- Comment jugez-vous le fait que les Israéliens dissocient les différents volets de négociation ?
- Nous refusons le principe de cette politique. Nous croyons qu'une paix réelle est une paix où tous les volets sont indissociables. L'Egypte, à titre d'exemple, a établi une paix avec l'Etat hébreu, mais elle est bien consciente que celle-ci est incomplète tant qu'elle n'est pas soutenue par une paix globale dans la région. La situation au Sud-Liban n'est pas stable et Israël a levé les contraintes imposées à la colonisation dans le Golan. Ceci aura des conséquences néfastes non seulement sur les volets syrien et libanais, mais aussi sur le volet palestinien et le processus de paix en général.
- Pourquoi les Libanais réclament-ils que le retrait israélien de leur territoire soit accompagné du désarmement des réfugiés palestiniens au Liban ?
- Après que les Israéliens eurent déclaré être disposés à un retrait unilatéral du Sud-Liban, la question des réfugiés palestiniens s'est imposée. En cas du retrait, le Liban ne pourrait pas garantir la sécurité d'Israël, étant donné que les réfugiés palestiniens peuvent avoir recours au combat pour récupérer leurs droits. Raison pour laquelle la proposition de désarmer les réfugiés palestiniens fut avancée. Effectivement, le problème des réfugiés est épineux, il reflète la dimension humanitaire de la cause palestinienne. Ceci dit, il ne doit pas être exploité pour servir les intérêts d'une partie. L'Organisation de libération de la Palestine est le porte-parole officiel des réfugiés. Il nous incombe de respecter les opinions et les volontés des pays d'accueil et de coordonner nos efforts pour que cette question ne devienne pas un objet de marchandage. Nous nous attachons à la résolution 194 de l'Onu (réclamant le droit au retour des réfugiés palestiniens), dont l'application est la seule solution.
 
4. Al Ahram Hebdo du mercredi 3 mai 2000
Les ministres des Affaires étrangères de Syrie, d'Egypte et d'Arabie saoudite se réunissent ce mercredi en Syrie pour évoquer les moyens de "ranimer" le processus
Réunion tripartite à Damas ce mercredi
Les entretiens des ministres des affaires étrangères égyptien, syrien et saoudien devaient porter ce mercredi sur les efforts arabes à déployer pou
r un règlement final. M. Chareh avait annoncé, lors d'une visite fin avril à Paris, que cette réunion se tiendrait début mai pour évaluer le processus de paix. Le président Moubarak a annoncé récemment qu'il envisageait de contribuer aux efforts destinés à débloquer les négociations syro-israéliennes. Celles-ci en effet butent sur le retrait du Golan occupé depuis 1967 par Israël. Damas exige un retrait jusqu'à la ligne du 4 juin 1967, alors qu'Israël veut garder une bande territoriale sur la rive nord-est du lac de Tibériade.
Dans le même temps, le journal gouvernemental Techrine a affirmé mardi que l'occupation israélienne du Sud-Liban allait se poursuivre même partiellement ". Ce qui signifie que la résistance continuera. " Un retrait sans accord maintiendrait la tension, car la question palestinienne et le problème des réfugiés ne sont pas résolus, et l'occupation israélienne, même partielle, se poursuivra, ce qui signifie la poursuite de la résistance légitime " contre Israël, affirme Techrine. Selon le journal, " Israël occupe la partie libanaise du mont Hermon, où il a installé des stations de ski, des villages touristiques et des stations d'espionnage ". Mais, souligne Techrine, " la résolution 425 du Conseil de sécurité stipule un retrait israélien total de tous les territoires libanais sans exception, et le gouvernement israélien ne procédera pas à un tel retrait ". Selon le journal, " Israël ne laissera jamais le Liban progresser et vivre en paix, et la décision du retrait a été prise pour se venger de ce pays sous couvert de la légalité internationale ".
Israël a commencé le démantèlement
Dans le même temps, l'armée israélienne a commencé à évacuer une de ses principales positions, adjacente à la ville de Marjayoun, où est situé son quartier général au Sud-Liban, au centre de la zone occupée par Israël. Des camions ont, pendant les trois derniers jours, transporté vers Israël au moins 14 abris préfabriqués en béton armé, retirés de la position israélienne de Chraiki, dans le secteur central de la zone. Israël a annoncé le retrait unilatéral de ses troupes du Sud-Liban d'ici 7 juillet.
Chraiki est l'un des sept gros fortins occupés par des soldats israéliens au Sud-Liban. Ceux-ci constituent l'armature militaire de l'armée de l'Etat hébreu dans la zone. Sa milice auxiliaire, l'Armée du Liban Sud (ALS), occupe de son côté moins de 20 fortins.
En outre, du matériel de télécommunications a été démantelé dans le fortin de Tzipporen. De même des munitions entreposées dans celui d'Olesh ont été transportées vers l'arrière, a indiqué un porte-parole militaire. Ces deux postes se trouvent près de la frontière internationale et sont appelés à être entièrement évacués. Contrairement à celui de Chraiki, ils ne font pas partie des sept gros fortins israéliens, et sont vraisemblablement destinés à être remplacés par des positions israéliennes identiques, un peu plus loin, à l'intérieur d'Israël.
 
5. Al Ahram Hebdo du mercredi 3 mai 2000
La colonisation reprend par Rania Adel
Après deux sessions aux Etats-Unis qui n'ont pas permis de parvenir à des progrès tangibles, les négociations israélo-palestiniennes ont été relancées dimanche, à Eilat en Israël, sur fond d'irritation des Palestiniens. Les discussions, dont la colonisation juive est l'un des principaux points, ont débuté avec presque quatre heures de retard et n'ont duré qu'une heure, les Palestiniens ayant protesté contre l'annonce d'un appel d'offres, après un gel de quatre mois décidé par le premier ministre Ehud Barak, pour la construction de 174 logements à Maalé Adoumim, la principale colonie juive de Cisjordanie.
" Nous condamnons cette action, car elle est contraire aux accords ", a déclaré le président palestinien, Yasser Arafat. Il s'exprimait à l'issue d'une rencontre à Gaza avec l'émissaire de l'Onu pour le Proche-Orient, Terje Roed-Larsen, portant sur les moyens de promouvoir le processus de paix. " Ces actions sont illégales et en contradiction avec des engagements et accords antérieurs et détruisent la confiance de l'opinion palestinienne dans le processus de paix ", avait auparavant déclaré le négociateur palestinien en chef Yasser Abd Rabbo. " Nous sommes ici parce que nous sommes sérieux dans ces négociations. Malheureusement, les récentes mesures israéliennes sur la colonisation montrent que le gouvernement de M. Barak, lui, ne l'est pas et c'est très dangereux ", a indiqué M. Abd Rabbo. Il a indiqué avoir transmis ce point de vue à son homologue israélien Oded Eran et a ajouté avoir demandé qu'Israël annule cette décision et toutes celles liées à la colonisation en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Le bureau de M. Abd Rabbo s'est également adressé à l'envoyé spécial américain, Dennis Ross, et à l'émissaire européen, Miguel Moratinos, ainsi qu'aux ambassadeurs d'Egypte et de Jordanie afin qu'ils interviennent. M. Eran a affirmé qu'il allait immédiatement communiquer la plainte à son gouvernement. " Israël est engagé par tous les accords que les deux parties ont conclus et signés dans le passé ", s'est-il contenté de commenter en ajoutant : " nous entrons maintenant dans une phase très importante de nos négociations et nous espérons, qu'ensemble, les deux délégations pourront atteindre l'objectif qui nous amènera à une base permanente dans nos relations ".
Israéliens et Palestiniens se sont engagés à conclure d'ici la mi-mai un accord-cadre établissant les grandes lignes du statut définitif, dont la conclusion est prévue le 13 septembre prochain, des territoires de Cisjordanie et Gaza. Celui-ci doit notamment fixer le sort de Jérusalem-Est (annexé par Israël depuis 1967), de 3,5 millions de réfugiés palestiniens, et des 150 colonies israéliennes ainsi que les frontières de la future entité palestinienne, les arrangements de sécurité et le partage de l'eau.
En guise de " geste de bonne volonté ", le premier ministre Ehud Barak s'est dit disposé à transférer aux Palestiniens le contrôle total d'Abou Dis, El-Azarieh et Suwahara, trois localités arabes proches de Jérusalem-Est, mais hors des limites municipales et situées en Cisjordanie, où l'Autorité palestinienne assume déjà les pouvoirs civils alors qu'Israël assure la sécurité. Inquiet de la réaction de l'extrême droite israélienne, M. Barak a affirmé qu'" il ne s'agit pas d'un transfert de nouveaux territoires aux Palestiniens, mais de permettre à ceux-ci d'y assurer la sécurité. Il est important que nous ayons quelqu'un à qui nous adresser là-bas. Cela renforcera notre souveraineté sur Jérusalem, notre capitale".
 
6. Al Ahram Hebdo du mercredi 3 mai 2000
Israël persiste et signe. Il ne veut pas renoncer à l'arme nucléaire, contre la volonté de l'ensemble de la communauté internationale
Israël contre tous
Face aux demandes incessantes, formulées notamment par les pays arabes lors de la Conférence d'examen du Traité de Non Prolifération nucléaire (TNP), pour amener Israël à adhérer rapidement à ce traité qui bannit la possession d'armes nucléaires, Tel-Aviv affiche une fin de non-recevoir.
En effet, Israël a écarté toute révision de sa politique nucléaire sous la pression de la Conférence d'examen du TNP, tenue actuellement au siège des Nations-Unies à New York. " Depuis plusieurs décennies, nous maintenons l'ambiguïté sur nos capacités militaires et n'avons pas l'intention de changer de politique à ce sujet ", a reconnu le vice-ministre israélien de la Défense, Ephraïm Sneh. Israël est - avec l'Inde, le Pakistan et Cuba - l'un des quatre seuls Etats non signataires du TNP, qui interdit aux Etats parties, à l'exception des cinq grandes puissances, de posséder des armes atomiques. Il refuse de soumettre ses installations nucléaires à l'inspection de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA), s'en tenant à la formule traditionnelle qu'il ne " serait pas le premier pays de la région à se doter de l'arme nucléaire ". Malgré les démentis officiels de l'Etat juif, les experts étrangers lui attribuent de 100 à 200 ogives pouvant être lancées par des missiles balistiques.
Comme lors de la précédente Conférence d'examen du TNP en 1995, l'offensive pour contraindre Israël à adhérer au TNP est menée par l'Egypte au nom du groupe arabe. " Le message de la Conférence d'examen 2000 doit demander sans équivoque à Israël d'adhérer sans autre délai au traité et de placer ses installations nucléaires sous le régime de sauvegarde de l'AIEA ", a martelé l'ambassadeur d'Egypte à l'Onu, Ahmad Aboul-Gheit. En effet, le TNP ne peut avoir aucune crédibilité parmi les Etats de la région aussi longtemps qu'un Etat est exempté de ses provisions. C'est ainsi que Le Caire demande à l'Etat hébreu de prendre des " mesures pratiques " en vue d'entamer des négociations avec les pays de la région pour établir une zone exempte d'armes nucléaires au Proche-Orient.
Face à cette nouvelle campagne, Israël a indiqué compter sur l'appui des Etats-Unis, son allié inconditionnel à l'Onu. M. Sneh a effectivement exprimé " l'espoir " que les Etats-Unis le soutiendrait durant la conférence. Appel entendu, puisque ces derniers, par la voix de la secrétaire d'Etat, Madeleine Albright, ont défendu la thèse israélienne selon laquelle la question de l'armement nucléaire d'Israël ne peut être résolue que dans le cadre de l'établissement d'une paix durable au Proche-Orient.
Mais pour atténuer les contradictions de leur politique, qui d'une part réclame une dénucléarisation totale à l'échelle planétaire et, de l'autre, accorde une exception à Israël, les Etats-Unis ont annoncé qu'ils n'étaient pas opposés à un examen de la question si cela était fait d'une manière " juste et équilibrée ". Pour Washington, il s'agit simplement de savoir si la conférence de New York citera nommément Israël parmi les Etats qui doivent renoncer à l'arme atomique. Ce que les pays arabes n'avaient pas obtenu en 1995, la dernière Conférence d'examen du TNP ayant adopté une résolution appelant tous les Etats de la région à adhérer au traité, sans citer Israël.
 
7. Le Soir (quotidien belge) du mardi 2 mai 2000
Atarot, un aéroport en partage ? par Serge Dumont notre envoyé spécial
On ferme. Les bureaux de la compagnie aérienne israélienne "Arkia" (la seule qui assure pour quelques jours encore une liaison régulière vers la station balnéaire d'Eilat) sont quasiment déserts à Atarot. Car ce terrain d'aviation, que le Premier ministre Menachem Begin rêvait au début des années quatre-vingt de transformer en un resplendissant "Aéroport international de Jérusalem", est aujourd'hui moribond. Situé à la limite du camp de réfugiés palestiniens de Kalandia, le long de la route menant vers Ramallah (la capitale administrative provisoire de l'Autorité palestinienne), cet aéroport, créé en 1922 par les Britanniques et transformé en base de la RAF durant la Deuxième Guerre mondiale, dispose d'une piste de deux mille mètres de long. Ce qui lui permet théoriquement d'assurer l'atterrissage et le décollage de vols courts et moyen-courriers en provenance ou à destination d'autres aéroports de la Méditerranée.
Cependant, si Menachem Begin l'utilisait pour partir en voyage officiel à l'étranger, depuis vingt ans, les rares projets de liaison régulière entre Atarot et l'Italie, la Turquie et certains pays de l'Est ne se sont jamais concrétisés. Parce que la communauté internationale ne reconnaît pas l'annexion par Israël de la partie orientale de Jérusalem conquise durant la guerre des Six Jours (juin 1967) et parce que l'aéroport se trouve sur un terrain arbitrairement intégré dans les frontières du "Grand Jérusalem" tracées en 1980. Résultat ? En 1999, Atarot a enregistré l'arrivée de 408 passagers internationaux seulement. Essentiellement des voyageurs contraints d'atterrir là-bas en raison de l'engorgement de l'aéroport Ben-Gourion de Tel-Aviv.
MARCHANDAGE DELICAT
Le sort d'Atarot pourrait cependant être réglé à l'occasion du nouveau round de négociations israélo-palestiniennes qui débutera dimanche à Eilat. En tout cas, il est certain qu'il sera l'enjeu de marchandages serrés entre le négociateur israélien Oded Eran et son homologue palestinien Saeb Erekat, qui se rencontreront mardi à ce propos. En effet, les accords de paix d'Oslo garantissent à l'Autorité palestinienne le droit de disposer de deux aéroports. Le premier, opérationnel depuis 1998, se trouve dans la bande de Gaza, d'où les trois avions de la Palestinian Airlines assurent des vols réguliers vers la Jordanie, le Maroc, l'Arabie Saoudite, Dubaï, la Roumanie, Chypre et la Turquie. Et le second ? Faute de mieux, des plans sont à l'étude pour le construire à Jéricho, une ville palestinienne dotée d'un complexe hôtelier ultramoderne et d'un casino. Mais cette solution est onéreuse même si une partie de son financement serait assurée par la communauté internationale. L'Autorité palestinienne préfère donc récupérer Atarot, que la presse palestinienne baptise d'ailleurs déjà "Aéroport de Jérusalem-Kalandia".
Ce que le Premier ministre israélien Ehoud Barak ne semble pas prêt à accepter. Pas dans un premier temps du moins, puisqu'Israël maintient que Jérusalem est et restera sa capitale éternelle unifiée. Pas question, dès lors, d'offrir à Arafat le contrôle sur un aéroport qu'il pourrait ensuite présenter comme un signe supplémentaire de souveraineté sur Jérusalem-Est.
Durant la trêve pascale, l'entourage d'Ehoud Barak a cependant laissé filtrer un ballon d'essai selon lequel Atarot pourrait être partagé avec les Palestiniens. Concrètement, Israël leur accorderait des facilités de décollage et d'atterrissage tout en conservant la gestion des services et l'application des mesures de sécurité en vigueur dans tous les aéroports de l'Etat hébreu. Une solution que le Premier ministre israélien ne semble pas vouloir abandonner mais dont ni le président palestinien ni ses conseillers ne souhaitent entendre parler.
 
8. Le Soir (quotidien belge) du mardi 2 mai 2000
Les colons juifs organisent la résistance
De l'avis des commentateurs israéliens et palestiniens, les négociations entre l'Etat hébreu et l'Autorité palestinienne (AP), qui ont repris dimanche à Eilat, risquent de durer. Car si les Palestiniens prennent comme base de négociation les résolutions 242 et 338 de l'ONU exigeant d'Israël la restitution complète des territoires occupés, l'Etat hébreu ne semble, lui, pas près à accepter d'en restituer plus de septante pourcent. Les trente pourcent restant sont des villes comme Maaleh Adoumim (où la construction d'appartements se poursuit) et Ariel ainsi que leur environs, des implantations juives où la plupart des colons se sont installés depuis 1967.
En tout cas, le Premier ministre israélien Ehoud Barak répète qu'il n'est pas question de discuter du droit au retour des réfugiés palestiniens, ni de négocier le contrôle de la partie orientale de Jérusalem-est, où l'Autorité palestinienne souhaite installer sa capitale. En revanche, M. Barak, qui a lancé dimanche l'idée d'un référendum sur le contenu de l'accord-cadre israélo-palestinien en gestation, accepte de restituer aux Palestiniens le contrôle des villages arabes d'Ezzariye, de Souwahara et d'Abou dis, trois bourgades où l'administration civile est déjà palestinienne mais où la sécurité est toujours du ressort d'Israël.
ABCES DE FIXATION
Le progrès est notable même si ces villages (50.000 habitants en tout) n'ont jamais fait partie du "Grand Jérusalem" tel que le conçoivent les nationalistes israéliens. D'ailleurs, lorsque Netanyahou était Premier ministre, l'AP a entamé à Abou dis la construction d'un bâtiment destiné à devenir le futur parlement palestinien. Sans réaction israélienne significative. En revanche, aujourd'hui, ces trois bourgades sont devenues des abcès de fixation pour les nationalistes de l'Etat hébreu. Le Parti national-religieux a confirmé lundi qu'il quitterait le gouvernement si Abou dis était livrée aux Palestiniens.
Quant a l'extrême droite, elle mobilise ses troupes sur le thème "Abou dis, dernier verrou avant de voir Arafat au Mont du temple" (le troisième lieu saint de l'Islam situé à Jérusalem-est). Ces mouvements, tel Zo Arzenou ("C'est notre pays"), ont entrepris de nombreuses actions de protestation violentes depuis la fin de la semaine passée. Des implantations sauvages de caravanes en Cisjordanie occupée, mais aussi des attaques de soldats chargés de protéger les colonies. De son côté, l'organisation "Les femmes en vert" appelle les soldats "honnêtes" à désobéir aux ordres de leurs officiers. Les colons les plus extrémistes auraient commencé à stocker des armes afin de créer leur propre milice chargée d'assurer la protection des implantations, voire de s'opposer aux soldats israéliens au cas où ceux-ci recevraient l'ordre de les démanteler. S. Dt
 
9. Dépêche de l'agence Reuters du mardi 2 mai 2000, 20h53
Proche Orient: l'émissaire U.S. Dennis Ross se rend à Eilat par Wafa Amr
EILAT, Israël - L'émissaire américain Dennis Ross s'est joint aux pourparlers israélo-palestiniens d'Eilat, symbolisant le soucis de Washington d'accélérer la mise au point rapide d'un accord-cadre entre les parties.
Ross a rencontré les négociateurs palestiniens à son arrivée sur les bords de la mer Rouge. Il doit s'entretenir avec les deux parties mercredi.
Le président de l'Autorité palestinienne Yasser Arafat et le Premier ministre israélien Ehud Barak ont accepté une plus grande implication des Etats-Unis dans les discussions pour régler des questions délicates telles que le statut de Jérusalem, les colonies juives, le sort des réfugiés et le tracé des frontières.
Des deux côtés, on s'entend pour dire que la date limite du 13 mai initialement fixée pour la mise au point d'un accord-cadre ne sera pas respectée. Selon des représentants israéliens, elle pourrait être reportée à la mi-juin, en vue de la signature d'un accord définitif en septembre.
"Nous voulons que le rôle des Etats-Unis se limite à chercher les moyens de mettre en oeuvre les résolutions des Nations unies, qu'ils ont contribué à élaborer", a déclaré à Eilat le négociateur palestinien Saeb Erekat. Il faisant référence aux résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité de l'Onu appelant Israël à se retirer des territoires envahis en 1967 en échange d'un tracé de frontières plus sûr et reconnu par la communauté internationale.
Les Palestiniens veulent proclamer d'ici septembre un Etat indépendant en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, avec Jérusalem-Est pour capitale.
Les autorités palestiniennes attendent de Ross des propositions capables de rapprocher les vues des deux parties.
"Nous allons poursuivre les négociations jusqu'à mercredi soir, puis nous irons en rendre compte à nos dirigeants. Nous espérons revenir à Eilat dimanche", a annoncé Erekat.
La séance de négociations en cours a débuté dimanche.
Etat palestinien
"Il est possible que le président Arafat et M. Barak se rencontrent bientôt, puisque ce sont eux qui prennent les décisions", a déclaré un négociateur palestinien, Mohamad Dahlan.
Après avoir rencontré des représentants des deux parties, le représentant de l'Union européenne pour le Proche Orient, Miguel Moratinos, a estimé que des progrès avaient été accomplis.
"Bien sûr, il reste des questions difficiles. Ils font tout leur possible pour respecter le calendrier établi", a-t-il déclaré.
"Les Palestiniens m'ont fait part de leurs inquiétudes en ce qui concerne l'extension des colonies juives. Nous ferons part au gouvernement israélien de nos préoccupations à ce sujet. Ce n'est pas un très bon moyen de rétablir la confiance, et toute décision susceptible de mettre à mal cette confiance est mauvaise", a-t-il poursuivi.
La semaine dernière, Israël a confirmé un projet de construction de 174 logements supplémentaires à Maalé Adumim en Cisjordanie, où se trouve une importante colonie juive. Cette annonce a provoqué la colère des Palestiniens.
Dans une interview publiée mardi par le quotidien saoudien Okaz, Arafat interprète l'extension des colonies juives comme le signe qu'Israël n'envisage pas la paix avec sérieux. Il réaffirme sa détermination à proclamer un Etat palestinien le 13 septembre prochain.
"(Les négociateurs) essaient de se mettre d'accord sur les frontières de l'Etat palestinien que doit proclamer Arafat dans le courant de cette année ainsi que sur la nature de cet Etat", a déclaré à Eilat un représentant palestinien.
Pour les Palestiniens, Washington ne s'oppose plus à ce projet.
"Quand Arafat était à Washington le mois dernier, le président américain Bill Clinton lui a dit pour la première fois que les Etats-Unis ne s'opposaient pas à un Etat palestinien, a déclaré à Reuters un représentant palestinien.
Lundi, le principal représentant de Barak à Eilat à évoqué la perspective d'une acceptation par l'Etat hébreu d'un Etat palestinien dans la cadre d'un accord de paix définitif.
 
10. Dépêche de l'Agence France Presse du mardi 2 mai 2000, 13h22
Les "aveux" du principal accusé juif font craindre un verdict sévère
TEHERAN - Les "aveux" du principal accusé dans le procès des juifs iraniens sur ses activités d'espionnage au profit d'Israël et notamment son apparition à la télévision font craindre désormais un verdict sévère.
Hamid Tefilin, dit Danny, et considéré comme le "cerveau" du groupe, a crée un coup de théâtre lors de la deuxième audience lundi de ce procès à huis clos devant le tribunal révolutionnaire de Chiraz (sud).
"Je suis coupable. Je reconnais les accusations portées contre moi. J'ai espionné pour le compte d'Israël," a affirmé Tefilin dont les aveux avaient été diffusés à la surprise générale sur la télévision d'Etat.
"Je suis plein de remords. Je me rends compte à présent que l'Iran est notre patrie, parce que c'est là que nous vivons", a poursuivi l'accusé.
Alors que les huis clos en Iran sont scrupuleusement respectés, les aveux de Tefilin, d'abord passés à l'audience, avaient été rapportés illico à la presse par le porte-parole de la justice, avant l'apparition de l'accusé au principal journal du soir de la télévision nationale.
Ce genre d'appartition qui avait cours lors des premières années de la Révolution islamique de 1979, est ensuite devenu plus rare. Le dernier en date remonte à juillet 1999.
Après les violentes manifestations estudiantines de juillet 1999, certains d'entre eux avaient été accusés d'avoir été "manipulés par des puissances étrangères". Et quelques jours plus, un des étudiants accusé d'être un meneur Manoutchehr Mohammadi, passait des "aveux" complets télévisés indiquant avoir eu des contacts notamment avec les Etats-Unis.
Le nouveau code pénal iranien, en vigueur depuis 1996, prévoit la peine de mort "pour toute personne reconnue coupable d'espionnage pour Israël et les Etats-Unis", deux pays considérés comme "ennemis" de la république islamique et avec lesquelles l'Iran n'entretienennt pas de relations.
Dans ces circonstances, les éléments de défense deviennent bien maigres. Le seul sur lequel s'appuyait l'avocat du principal accusé était que son client ne pouvait être reconnu coupable d'espionnage que si la preuve de la "confidentialité" des documents était apportée.
"Ce qui n'est pas claire pour nous, c'est que nous ne savons pas de quelles informations confidentielles il s'agit" et si ces informations sont véritablement "classées confidentielles", avait indiqué Me Ismaël Nasseri.
Mais Hamid Teflin a aussi demandé à bénéficier "de la clémence de la justice et du régime islamique", semblant réfuté, à priori, qu'une preuve de son innocent puisse être apportée.
Dans un commentaire mardi matin la radio a demandé à la justice d'aller "jusqu'au bout" dans sa détermination et prononcer "un verdict ferme" contre les espions.
Quelques heures après l'annonce de ces aveux le ministère israélien des Affaires étrangères a exigé la libération immédiate de ces treize Juifs iraniens, estimant que "la tentative de (les) présenter comme des espions (d'Israël) est dérisoire et barbare".
Le procès, dont la troisième audience doit se dérouler mercredi, risque aussi de devenir un enjeux de politique intérieure dans la mesure où la justice iranienne, fief des conservateurs, veut asseoir son poids politique à la veille de la réunion du future parlement où les réformateurs seraient majoritaires.
La justice a ainsi accentué ces derniers jours son offensive tout azimuts contre les réformateurs avec la fermeture de pratiquement tous leurs journaux et en traduisant devant le tribunal révolutionnaire leurs personnalités de premier plan pour leur participation à une conférence controversée tenue au début du mois à Berlin.
 
11. Dépêche de l'agence Reuters du mardi 2 mai 2000, 9h32
Arafat résolu à proclamer un Etat palestinien en septembre
DUBAI - Dans une interview publiée mardi, Yasser Arafat interprète l'extension des colonies juives comme le signe qu'Israël n'envisage pas la paix avec sérieux, et il réaffirme sa détermination à proclamer un Etat palestinien le 13 septembre prochain.
L'interview du président palestinien est publiée par le quotidien saoudien Okaz et son titre de langue anglaise, la Saudi Gazette.
Des responsables palestiniens ont déclaré par téléphone à Reuters de Djeddah que Yasser Arafat avait entamé lundi soir dans le port saoudien une visite officielle de deux jours dans le royaume, l'un des principaux alliés des Palestiniens.
Au cours de cette visite, le dirigeant palestinien doit rencontrer le roi Fahd, le prince héritier Abdallah et le prince Sultan, ministre de la Défense.
"Je les consulterai au sujet des prochaines étapes, compte tenu de l'intransigence d'Israël, de sa politique de colonisation persistante et de son non-respect des accords signés par les deux parties", dit Arafat dans l'interview.
"Comme vous le savez, nous sommes déterminés à proclamer un Etat palestinien le 13 septembre, si Dieu le veut."
"Patience et fermeté"
Interrogé sur l'autorisation par l'Etat hébreu de la construction de logements supplémentaires dans la colonie de Maale Adumim, près de Jérusalem, Arafat déclare:
"Cela met en évidence les objectifs et et les intentions véritables d'Israël. (Le Premier ministre israélien) Ehud Barak a annoncé la veille de la réunion d'Eilat qu'ils prévoyaient de construire 187 logements supplémentaires à Maale Adumin, qui constitue déjà une implantation illégale. Ce la montre qu'Israël n'est pas enclin à appliquer les accords de paix déjà conclus."
Interrogé sur les pourparlers bilatéraux qui ont repris dans la ville israélienne d'Eilat, sur la mer Rouge, il répond: "Les négociations en cours sont très difficiles. Nous espérons cependant parvenir ainsi à un accord-cadre. Mais cela exige que nous soyons patients et fermes sur nos positions."
Le 13 septembre est la date à laquelle les deux parties doivent en principe avoir conclu un accord de paix définitif réglant tous leurs litiges. Les Palestiniens souhaitent que les pourparlers débouchent sur la création d'un Etat indépendant en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.
Le principal représentant israélien aux pourparlers d'Eilat a évoqué lundi la perspective d'une acceptation par Israël d'un Etat palestinien dans le cadre d'un accord de paix définitif. Mais ses propos semblent avoir pris de court les autres membres de sa délégation. Certains ministres du cabinet israélien ont exhorté Ehud Barak à briser un tabou en adoptant publiquement l'idée d'un Etat palestinien démilitarisé.
"Nous ne voulons pas qu'ils (les Israéliens) nous donnent ce qu'ils veulent bien au moment qui leur convient. Ils agissent comme s'ils faisaient un cadeau au peuple palestinien plutôt que de lui reconnaître ses droits légitimes", ajoute Arafat dans son interview. "En réalité, Israël a morcelé les accords (intérimaires) pour pouvoir donner ce qu'il peut éventuellement et garder ce qu'il veut."
 
12. Regards du mois d'avril 2000
Jérusalem-Ankara les dessous d'une alliance par Walid Charara
La polémique suscitée par les déclarations de Lionel Jospin, qualifiant les actions de la résistance libanaise de "terrorisme" a eu le mérite de rappeler la guerre oubliée qui se déroule au Sud-Liban depuis 22 ans.
Après avoir envahi une partie du Sud-Liban en mars 1978, lancé une deuxième invasion qui ira jusqu'à la capitale, Beyrouth, en juin 1982, s'être partiellement retiré en mai 1985, le gouvernement israélien annonce sa volonté de retirer la totalité de ses troupes du territoire libanais avant juillet 2000. Les récents bombardements contre les infrastructures civiles libanaises (3 centrales électriques) et autres démonstrations de force à distance ne sauraient occulter l'origine de cette décision : la véritable défaite de l'armée israélienne face à une guérilla des plus aguerries. Elle intervient, par ailleurs, dans une phase délicate d'un processus de paix qui était censé "changer la face du Moyen-Orient", mais qui, plus de huit ans après la conférence de Madrid, n'a abouti à aucune solution durable ni sur le volet israélo-syrien, ni sur le volet israélo-palestinien. Le blocage des négociations, au-delà des positions divergentes des acteurs, découle aussi d'un conflit des représentations quant à la nature du système régional moyen-oriental à venir après la paix et à la position de chacun d'entre eux en son sein. Loin de la rhétorique sur le nouveau Moyen-Orient, chère à Shimon Pérès, et sur la dynamique du marché intégrateur ouvrant la voie à l'avenir radieux, deux axes politico-militaires se constituent : l'axe Tel Aviv-Ankara et l'axe Damas-le Caire-Riyad-Téhéran. Cette nouvelle donne laisse présager, au mieux, une paix froide et le conflit au Sud-Liban apparaît comme l'une des expressions de la nouvelle polarisation régionale.
La fin de la guerre civile libanaise en octobre 1990 a constitué un tournant dans l'histoire du Hezbollah. Consacrant son activité militaire exclusivement à la résistance contre l'occupation israélienne du Sud-Liban, il agit parallèlement pour une plus grande intégration dans la vie sociale et politique du pays et une plus grande ouverture en direction des autres forces politiques et de l'Etat libanais. Abandonnant le mot d'ordre de République islamique (1), son programme politique dans son volet intérieur converge sur beaucoup de points avec ceux des partis de gauche et des partis laïques. Les élections législatives de 1992 et 1996, qui marqueront le début de son intégration institutionnelle (respectivement 9 et 12 députés sur un parlement qui en compte 128), seront une occasion pour une alliance avec ces derniers.
Renforcée par son changement d'orientation politique, son action militaire fait désormais consensus parmi les forces communautaires et laïques et jouit d'un soutien considérable de l'Etat libanais, surtout depuis l'élection du président Emile Lahoud. Son efficacité militaire, son enracinement populaire et son réalisme politique font de lui, non seulement "une carte gagnante aux mains du Liban, de l'Iran et de la Syrie", selon son porte-parole Naïm Qassem (2), mais aussi un interlocuteur crédible, et peut-être un allié pour des acteurs régionaux "modérés" comme l'Egypte et l'Arabie Saoudite. En témoignent la récente visite de solidarité du président Hosni Moubarak au Liban, une première dans l'histoire diplomatique des deux pays, et la déclaration commune égypto-libanaise appuyant la résistance ; comme la visite et les déclarations du prince héritier saoudien Abdallah.
Si le soutien au Hezbollah et l'insistance sur l'inséparabilité des questions du Sud-Liban et du Golan (occupé par Israël depuis 1967) constituent les seules cartes de pression dont dispose la Syrie dans ses négociations avec l'Etat hébreu, les prises de position égyptienne et saoudienne dévoilent un autre aspect du conflit israélo-arabe : la divergence des représentations arabe et israélienne de l'avenir du système régional après la paix. L'accord de principe des deux parties sur l'impossibilité d'une issue militaire au conflit et sur la nécessité d'une solution négociée n'y change rien. Le chercheur Volker Perthes distingue les deux représentations (3).
La première, "représentation de la complémentarité" qui prône une forme d'intégration économique régionale, est préconisée par Shimon Pérès, une partie de l'élite israélienne et les Etats-Unis. L'ouverture des frontières à la libre circulation des capitaux, des marchandises et des hommes et le développement d'infrastructures économiques, technologiques et de communications communes susciteraient, par la dynamique du marché, parallèlement une révolution copernicienne des esprits, permettant de transcender "les passions" nationalistes et les "litiges" territoriaux.
La seconde, dite de la séparation, craint que l'intégration régionale ne se traduise par une domination économique et une suprématie militaire israéliennes. Le président syrien Assad exprima clairement cette opinion lorsqu'il déclara, en 1994, que Damas préférait le statu quo à une paix aux conditions israéliennes et américaines. L'Egypte, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, M. Amr Moussa, défend une position similaire.
Le refus des Etats arabes de se voir satellisés par un "marché économique moyen-oriental" qui aurait pour centre Israël ou de se voir marginalisés politiquement et stratégiquement par l'alliance israélo-turque, conduira à la constitution d'un axe syro-égypto-saoudo-iranien. Après avoir longtemps parié sur un possible rééquilibrage de la politique moyen-orientale des USA en faveur de partenaires arabes, pari qui les mènera à participer à leurs côtés à la guerre contre l'Irak, ces pays "redécouvriront" le caractère organique de l'alliance américano-israélienne. Il est à noter que l'Egypte est l'initiatrice de cet axe et apporte un soutien précieux aux négociateurs palestinien et syrien, agissant désormais pour une reconstitution du système régional arabe, disloqué depuis la guerre du Golfe. Profitant d'une situation intérieure favorable - victoire sur les groupes islamistes armés, soutien de l'opinion à sa politique arabe, embellie économique - elle peut à nouveau et se consacrer au rôle de leader du monde arabe (4).
L'alliance avec la Turquie constitue pour Israël, un retour à ce que Benjamin Beit Hallahmi appelle "la stratégie périphérique". Elaborée à la fin des années cinquante, elle reposait sur l'idée qu'Israël devait faire alliance avec les pays non arabes à la périphérie du groupe des Etats arabes, donc avec la Turquie, l'Ethiopie et l'Iran (avant la chute du Shah) (5). Une grande proximité des représentations du rapport à l'Occident et au monde arabe, chez les élites politico-militaires sionistes et kémalistes, servait de fondement idéologique à cette alliance. Occultant les réalités géographiques et historiques, elle procédait à une survalorisation "du lien supposé ou réel à la culture occidentale et entretenait un évident complexe de supériorité vis à vis des Arabes, Etats comme individus" (6). Cependant, l'alliance représente aujourd'hui, grâce au progrès technologique, une révolution géopolitique : "Les accords de coopération ouvrent aux appareils de combats israéliens la quasi-intégralité de l'espace aérien turc. Désormais, Israël menace la Syrie sur trois fronts : Golan, Liban et Turquie.
Elle menace aussi les régions pétrolifères septentrionales en Irak qui se trouvent à la merci d'une frappe immédiate, massive ou chirurgicale. (...) La menace devient une variable de la prise de décision iranienne dans le dossier concernant Israël" (7). Par ailleurs, l'ouverture à Israël de l'immense espace turcophone qu'est l'Asie centrale ex-soviétique, avec ce qu'elle comporte comme opportunités économiques et militaires, lui permet de poursuivre une stratégie de contournement du monde arabe et d'accéder ainsi au rang de puissance semi-continentale.
Les considérations d'Ankara sont multiples. Il y a d'abord sa volonté de valoriser son importance stratégique aux yeux des USA dans le monde de l'après-guerre froide. L'axe Tel-Aviv-Ankara constitue en ce sens la pierre angulaire du dispositif stratégique global des Etats-Unis au Moyen-Orient. Il y a ensuite une tentative d'intensifier les pressions sur le voisin syrien avec lequel la tension n'a cessé de s'accroître ces dernières années en raison de sérieux différends (la question de l'eau, le soutien au PKK).
Il y a aussi une volonté de profiter de "l'expérience israélienne" en matière de lutte anti-guerilla. Il y a enfin la possibilité d'obtenir le soutien du puissant lobby pro-israélien aux Etats-Unis face aux critiques grandissantes de la violation permanente des droits de l'Homme par Ankara dans le conflit l'opposant au mouvement kurde, mais aussi face à l'action des lobbies arménien et grec. La constitution de ces deux axes conjuguée aux évolutions ultérieures possibles en Irak (l'éclatement du pays suite à un effondrement du régime), dans les territoires palestiniens (décès d'Arafat avant la conclusion d'un accord final) ou au Sud-Liban (retrait israélien sans accord préalable avec le Liban et la Syrie) tracent de sombres perspectives quant à l'avenir de la région. Une médiation impartiale reste une nécessité pour infléchir le cours des événements, rôle que l'Europe et, en particulier, la France pourrait jouer, à condition de maintenir sa politique arabe, contrairement à ce que pense M. Jospin.
1. Libération, 8-3-2000.
2. Magazine, 1-11-99, Beyrouth.
3. Volker Perthes, la Séparation ou la complémen- tarité ?, (en arabe), Shuiun al Awsat, n° 48, 1-1-96.
4. Bechir Nafie, 8-3-2000, (en arabe), Al Qods Al Arabi.
5. Benjamin Beit Hallahmi, "la Pensée stratégique d'Israël", dans les Enjeux stratégiques en Méditerranée, éditions l'Harmattan, 1992.
6. Frederic Encel, Israel, grande puissance à venir, LIMES n° 1, hiver 2000, p. 20.
7. Op. cit., p. 21.
 
13. Dépêche de l'Agence France Presse du lundi 1 mai 2000, 17h20
La nébuleuse terroriste en mutation, selon Washington
WASHINGTON - La nébuleuse terroriste internationale est en évolution, moins liée à des Etats, davantage religieuse que politique, plus ancrée en Afghanistan ou au Pakistan qu'au Proche-Orient, selon un rapport américain rendu public lundi.
Ce rapport annuel sur le terrorisme international, rédigé par le département d'Etat, souligne les "tendances à la mutation du terrorisme" enregistrées à travers le monde en 1999.
Le document de 107 pages souligne l'évolution d'un terrorisme s'appuyant sur des "groupes bien organisés, soutenus par des Etats" vers des "réseaux terroristes aux structures lâches".
Washington relève encore l'évolution d'un "terrorisme aux motivations essentiellement politiques vers un terrorisme davantage motivé par des raisons religieuses ou idéologiques".
L'année 1999 a également été marquée par un déplacement des foyers de terrorisme du Proche-Orient vers l'Asie du sud et plus particulièrement l'Afghanistan, dirigé par la milice fondamentaliste des taliban, et le Pakistan, où un coup d'Etat militaire a eu lieu l'an dernier.
Les Etats-Unis rendent hommage à "la plupart des gouvernements du Proche-Orient" qui ont renforcé leur lutte contre les organisations terroristes, même s'il reste selon Washington encore beaucoup à faire.
L'Afghanistan, qui abrite le terroriste présumé Oussama Ben Laden, est qualifié de "premier lieu sûr pour les terroristes", tandis que le Pakistan est accusé d'avoir envoyé des "signaux contradictoires" dans ce domaine.
Ces deux pays ne figurent toutefois pas sur la liste des pays accusés par Washington de soutenir ouvertement le terrorisme ou de pratiquer le terrorisme d'Etat.
Cette liste, qui ouvre la voie à des sanctions économiques spécifiques américaines, n'a pas bougé depuis 1993 et comprend toujours Cuba, l'Iran, l'Irak, la Libye, la Corée du Nord, le Soudan et la Syrie.
La Syrie, estime ce rapport, pourrait toutefois se voir retirée de cette liste si Damas parvient à conclure avec Israël les discussions de paix actuellement au point mort.
La Corée du Nord, qui a engagé des discussions avec Washington après des années de rupture totale et qui réclame d'être retirée de la liste, "a été informée de ce qu'elle doit faire" pour y parvenir, souligne le rapport.
Cuba pour sa part n'est pas considéré comme soutenant activement le terrorisme, mais reste sur la liste pour son soutien à d'anciens terroristes et ses liens persistants avec des organisations étrangères considérées comme terroristes par Washington.
Le rapport relève également une baisse importante du nombre des victimes d'actes terroristes l'an dernier, avec 233 morts et 706 blessés contre 741 morts et 5.952 blessés en 1998.
Cette baisse s'explique par l'absence d'attentat ayant provoqué des dégâts de grande ampleur, comme ceux qui avaient visé en 1998 les ambassade américaines en Tanzanie et au Kenya.
En revanche, le nombre d'attaques terroristes a augmenté l'an dernier, avec 392 cas comptabilisés à travers le monde contre 274 en 1998.
La raison de cette progression réside dans les "dizaines d'attentats" en Europe pour protester contre les raids de l'OTAN contre la Serbie durant la campagne du Kosovo, et aux attentats qui ont suivi l'arrestation en Turquie du chef séparatiste kurde Abdullah Ocalan. Le rapport souligne également plusieurs prises d'otages étrangers au Nigéria.
 
14. Dépêche de l'Agence France Presse du lundi 1 mai 2000, 17h03
Le procès des Juifs iraniens prend une tournure délicate
CHIRAZ (Iran) - Le procès des Juifs iraniens jugés pour espionnage et dont l'affaire avait suscité l'inquiétude de la communauté internationale, a pris lundi une tournure délicate après l'aveu du principal accusé.
Hamid Tefilin, dit Danny, et considéré comme "le meneur" du groupe, a marqué la deuxième audience de ce procès à huis clos qui s'était ouvert le 13 avril devant le tribunal révolutionnaire de Chiraz, dans le sud de l'Iran.
Dans cette affaire qui a suscité l'inquiétude de la communauté internationale, Hamid Tefilin est passé aux aveux, affirmant avoir suivi une formation en Israël sous la conduite du Mossad (services secrets israéliens), selon un porte-parole du département de la justice de Chiraz (sud) Hossein-Ali Amiri.
Ce dernier a ajouté que Hamid Tefilin avait également admis avoir fourni à l'Etat hébreu des documents confidentiels, dont il n'a pas voulu préciser la nature. L'accusé a également avoué avoir reçu des informations de la part de huit Iraniens musulmans, poursuivis dans la même affaire mais qui seront jugés séparément.
Mais selon M. Amiri, le prévenu a nié avoir recruté des membres pour deux présumés réseaux d'espionnage qu'il aurait tenté d'implanter à Téhéran et à Chiraz.
Ces aveux ont été confirmés par l'avocat de l'accusé, Me Ismaël Nasseri, selon lequel son client, qui s'est rendu à deux reprises en Israël, a également affirmé avoir reçu 500 dollars par mois sur son compte, sans préciser sur combien de temps.
Toutefois pour la défense, ces faits ne signifient "en rien" une quelconque activité d'espionnage dans la mesure où "il n'existe aucune preuve de la confidentialité des informations échangées".
"Conformément aux lois en vigueur en Iran, voyager en Israël, y suivre une formation et même échanger des informations avec l'étranger ne sont pas considérés comme espionnage", explique l'avocat.
Mais "ce qui n'est pas claire pour nous c'est que nous ne savons pas de quelles informations confidentielles il s'agit" et si ces informations sont véritablement "classées confidentielles", a ajouté Me Nasseri.
Si l'avocat paraît avoir mis en place son système de défense, le procès semble prendre une tournure délicate alors que la justice iranienne, dominée par les conservateurs, poursuivait sa fronde à l'égard de ceux qui sont qualifiés "d'ennemis" du pays.
Par ce thème sont visés beaucoup de réformateurs dont quatre d'entre eux, des intellectuels, ont été placés en détention dimanche, suspectés d'avoir commis des "actions contre la sécurité nationale" pour leur participation à une conférence controversée tenue au début du mois à Berlin.
Avant les réformateurs, la justice avait sanctionné des journalistes et les "bases de l'ennemi", la presse réformatrice, comme l'avait qualifiée le Guide de la république islamique l'ayatollah Ali Khamenei en suspendant 16 titres.
A l'issue des auditions des dix des 13 accusés, l'audience a été levée et reprendra mercredi matin.
Le procès devrait se tenir sur trois semaines à raison de deux audiences par semaine, selon le tribunal.
"Nous sommes en faveur d'un procès juste et impartial, et c'est pourquoi nous ne souhaitons pas que ce procès dure longtemps", a déclaré le juge du tribunal Sadegh Nourani.
Les trois autres accusés ainsi que huit musulmans, impliqués dans la même affaire, sont en liberté provisoire.
 
15. Dépêche de l'Agence France Presse du lundi 1 mai 2000, 15h57
Le droit à un Etat indépendant n'est pas négociable pour les Palestiniens
EILAT (Israël) - Les Palestiniens ont insisté lundi sur leur droit à un Etat indépendant lors de la deuxième journée de négociations avec Israël sur un accord-cadre à Eilat, dans le sud de l'Etat hébreu.
"Je voudrais souligner que l'Etat palestinien n'est pas une question se trouvant sur la table (des négociations)", a affirmé le négociateur en chef palestinien pour les questions de statut final Yasser Abed Rabbo aux journalistes.
Les négociateurs sont censés parvenir pour le 13 mai à un accord-cadre sur les grandes lignes d'un règlement sur le statut final des territoires palestiniens.
Le président de l'Autorité palestinienne Yasser Arafat, qui s'exprimait lundi à l'issue d'une rencontre à Gaza avec le Premier ministre australien John Howard, a affirmé qu'un Etat palestinien constituait "un droit naturel" déjà reconnu dans les accords conclus avec Israël.
Le bureau du Premier ministre israélien Ehud Barak a répliqué dans un communiqué que "si un Etat palestinien est créé, cela sera le résultat de négociations". "La position d'Israël sur cette question sera présentée durant les discussions en fonction de la manière dont elles se développeront", a ajouté le communiqué.
Les discussions d'Eilat portent sur une série de sujets tels que l'avenir de Jérusalem-est, le sort des réfugiés palestiniens, ainsi que sur les frontières et prérogatives de la future entité palestinienne.
Sur le front intérieur, M. Barak s'efforce de colmater les brèches dans sa coalition qui menace de se disloquer s'il transférait à l'Autorité palestinienne des localités proches de Jérusalem ou s'il envisageait d'autres concessions, mêmes mineures.
Selon la radio publique M. Barak a dû reporter au moins jusqu'à la semaine prochaine la décision du gouvernement sur ces retraits.
De brèves échauffourées ont eu lieu entre Palestiniens et policiers israéliens à Abou Dis, l'une de ces localités, lors de la visite du maire Likoud (droite, opposition) de Jérusalem Ehud Olmert et du ministre de l'Intérieur Nathan Chtcharansky, opposés à ce transfert.
"Proposer sous forme d'avance ou d'une caution une zone située à un kilomètre du centre le plus sacré de Jérusalem ne peut signifier qu'une chose: c'est qu'à la fin des négociations nous aurons renoncé à une partie de Jérusalem", a affirmé M. Chtcharansky. M. Olmert a mis en garde contre des violences si Abou Dis était est transféré aux Palestiniens.
"J'exige que le statut d'Abou Dis reste ce qu'il a été durant les cinq dernières années, car s'il change, cela pourrait déboucher sur des confrontations inutiles entre nous et les Palestiniens", a expliqué M. Olmert aux journalistes.
La voiture transportant MM. Olmert et Chtcharansky a été attaquée à coups de pierres par des manifestants palestiniens.
Le président Arafat a par ailleurs dénoncé la publication d'un appel d'offres du ministère israélien de l'Habitat pour la construction de 174 logements à Maalé Adoumim (Cisjordanie).
"La politique de colonisation du gouvernement israélien a un effet destructeur sur le processus de paix et affectera les négociations menées pour parvenir à un accord-cadre", a prévenu M. Arafat.
Un membre de la délégation palestinienne, le colonel Mohammed Dahlan, a pour part affirmé qu'il "est possible qu'ils (MM. Barak et Arafat) se rencontrent" à l'issue de la première semaine de discussions, sans toutefois donner de date précise.
 
16. Le Magazine (hebdomadaire libanais) du 28 avril 2000
Portrait d'Elias Khoury : Le singulier universel par Roula Mouaffak
Engagé dès sa jeunesse dans la cause palestinienne, cet anglophone d'origine n'a eu de cesse tout au long de sa carrière de se trouver lui-même, à travers ses voyages, ses multiples rencontres et ses désillusions. Intellectuel et homme de lettres par excellence, Elias Khoury a changé souvent de casquette : enseignant de littérature, journaliste,romancier, nouvelliste... Tentative de portrait d'un homme insaisissable.
Qui est Elias Khoury? Le sait-il lui-même? Fils de la Nakba et de la révolution palestinienne. Homme des rencontres entre le monde arabe et le marxisme, la Renaissance arabe et le Coran, la liturgie byzantine et Althusser. Palestinien sans Palestine, chrétien pour les musulmans, musulman pour les chrétiens, homme de lettres dans une mosaïque sans modèles, dont l'image doit être inventée, morceau par morceau. Circonférence à la recherche de son centre. Toujours à l'avant-garde de tous les combats pour la libération de l'homme, dans sa marche d'aveugle vers ce qui s'appelle justice. Voilà qui est, à peu près, Elias Khoury. Car l'histoire n'est pas finie, et ses épisodes futurs peuvent cacher encore bien des surprises.
Mais d'abord, Elias Khoury est fils de son milieu. La classe moyenne grecque orthodoxe d'Achrafié. Non le quartier mâtiné d'aujourd'hui, mais le véritable Achrafié, celui des années d'avant-guerre, l'Achrafié de ceux qui y ont vécu de père en fils, depuis le début du XIXème siècle. L'Achrafié d'une maison entourée d'amandiers, de néfliers et de dattiers. De l'école Zahrat el-Ihsan et du Bon Pasteur, de Sioufi du bon vieux temps, entre l'Eglise grecque orthodoxe de la Mère de Dieu et les escaliers courant entre les oliveraies en gradin.
De sa jeunesse, lui revient l'image de militants communistes distribuant des tracts aux portes de... l'église. Ainsi vont les affinités historiques. Succédant à la Russie tsariste, l'Union soviétique hérite de cette dernière le protectorat sur les orthodoxes du Liban et leur communique l'idéologie communiste. Pas de contradictions, pas de paradoxes. Ainsi le veut une mentalité bien libanaise. Au point qu'on célébrera, à l'intention de Staline, un très bel office funèbre en l'église as-Saydé.
Ajouter à ces influences contradictoires celle de la conscience de la grandeur arabe, insufflée surtout par sa grand-mère maternelle, Hilané Sabbagha, sœur du fondateur du quotidien al-Ahrar. C'est en effet grâce à elle qu'il lira les ouvrages de la littérature arabe classique, des poètes de la Jahiliya, dont les vers sont gravés dans sa mémoire, sans parler du Coran, abordé surtout comme chef-d'œuvre littéraire, et de la Bible, monument de culture et de spiritualité. Ce terreau de nationalisme arabe sera contrarié lors de la déclaration de l'Indépendance, tant le rêve de la patrie arabe, nourri aux romans de Gergi Zeidane, est encore fort dans certains milieux.
Après un passage obligé dans le Mouvement de la jeunesse orthodoxe de Mgr Georges Khodr, voilà Elias Khoury à l'âge de l'adolescence, gardant le souvenir de l'équipée de Suez en 1956, mais réveillé définitivement aux sens des réalités par la catastrophe de 1967, et livré au grand vent de la résistance palestinienne naissante.
La défaite catastrophique le surprend, étudiant en première année d'histoire à l'Université libanaise. Les Palestiniens constatent, une fois pour toutes, qu'ils doivent prendre en main leur destin et ne plus compter sur les régimes arabes. Il décide, avec l'inconscience et la témérité de la jeunesse, de rejoindre leurs rangs, de se faire fedayin. Et voici qu'un jour, il passe aux actes, range quelques affaires et prend un taxi pour la Jordanie. Arrivé à Amman, il passe la nuit dans une auberge populaire et, le lendemain, hèle le premier taxi venu et lui demande de le conduire aux camps d'entraînements de la résistance. Le chauffeur le conduit à Salt, au sud d'Amman, où il débarque, dans tout l'enthousiasme de ses 19 ans. Il y est accueilli par un Abou Jihad, Khalil el-Wazir, encore inconnu, et y reçoit un entraînement de deux mois. Passé cette période, les responsables du camp renvoient Elias Khoury au Liban, en lui déclarant qu'il servira aussi bien la cause palestinienne comme intellectuel.
De retour à Beyrouth, Elias Khoury participe à l'organisation d'un colloque intitulé "Chrétiens pour la Palestine". En fin de travaux, il se rend de nouveau en Jordanie pour visiter le camp de Bokaa, où il découvre la misère humaine des déplacés palestiniens. Avec lui, le P. Youakim Moubarak, qui pleure d'émotion à la vue de tant de misère. Les deux hommes se regardent. Il faut faire quelque chose. Elias Khoury restera là, s'enrôlera dans l'organisation Fateh, lui qui déteste les "étiquettes" et participera aux combats des fedayin, qui seront couronnés par la bataille dite de Kamaré (1969).
Septembre 70, septembre noir
Il rentrera à Beyrouth et fera la synthèse de toutes ces pulsions à travers la revue Mawakef, fondée par le poète Adonis. Mawakef, c'était alors le porte-parole de la nouvelle poésie et des intellectuels de gauche. A 22 ans, il sera membre du conseil de rédaction de la revue, avec Sader Azem, Mahmoud Darwiche et Halim Barakat.
Septembre 70. Septembre noir. Elias Khoury, une fois de plus, est bouleversé. Un pan de sa vie bascule. Il quittera le Liban pour Paris, où il séjournera trois ans, à la recherche de racines encore plus profondes, s'il en est. D'éducation anglophone, il suit des cours de français intensifs et plonge avec délices dans l'effervescence de l'après-mai 68: Foucault, Barthes, Althusser et Alain Touraine structurent et déstructurent tour à tour sa pensée. En 1975, alors qu'il prépare un DEA sur la guerre civile de 1860 dans le Mont-Liban, le destin frappe à sa porte sous la forme d'un autobus mitraillé à Aïn el-Remmané. Le schéma marxiste "classique", constate-t-il, ne s'applique pas à la situation libanaise. Il abandonne son doctorat et rentre.
Au Liban, il continue de militer pour la cause palestinienne. Il rejoint la revue du Centre d'études palestiniennes. Il en est le critique littéraire avant d'en être le secrétaire de rédaction, à l'époque où Anis Sayegh et Mahmoud Darwiche occupaient le poste de rédacteurs en chef.
L'assassinat du penseur et écrivain Ghassan Kanafani, à Hazmié, dans l'explosion d'une voiture piégée, lui inflige un nouveau coup dur. Ainsi, on peut mourir parce qu'on écrit. Elias Khoury découvre que sa vocation réprimée d'écrivain peut être créatrice de valeurs; qu'écrire, c'est agir, et que la dichotomie déchirante de ses années de jeunesse peut être ainsi résolue. Comme le chant, les lettres sont des expressions éternelles de l'émotion humaine et une forme de lutte pour la justice, la liberté, voire même la beauté.
Sa pensée mûrit et sa synthèse personnelle s'approfondit. Et pourtant, au milieu de cette synthèse, le vide. Le sentiment d'être encore "en marge" des choses. De ne pas avoir touché le cœur. D'être encore une circonférence à la recherche d'un centre. Libanais pour les Palestiniens, Palestinien aux yeux des Libanais. Musulman pour les chrétiens. Chrétien pour les musulmans. Apatride culturel errant dans les dédales des grandes œuvres de l'humanité, Libanais détestant le Liban des communautés, politique détestant les politiciens, le voilà qui découvre avoir à inventer son identité. Voilà donc qu'il se sent prêt à écrire.
En 1979, il quitte la revue Affaires palestiniennes et rejoint le quotidien as-Safir, dont il tiendra les pages culturelles jusqu'en 1991, où il rejoindra le supplément culturel du Nahar.
Découvreur de réel
Aujourd'hui, si on interroge Elias Khoury sur son métier, il répond: écrivain. Découvreur de réel. Combattant de l'ombre pour une justice en rébellion contre toute autorité. Ses personnages sont choisis dans les petites classes de la société, là où se dit la bonne aventure. Pour écrire la vie d'un cireur de chaussures, il accompagnera d'authentiques cireurs cinq mois durant, à l'affût de leurs travaux, de leurs journées, de leurs rencontres, de leurs vocabulaires. Il étudiera le syriaque pour mieux se mettre dans la peau de l'un de ses personnages. Trois fois et quatre fois sur le métier remettant l'ouvrage. Au bout de l'aventure, le plaisir de lire et la connaissance. Parmi ses romans les plus célèbres, "Bab el-Chams", l'histoire d'amour entre un Palestinien obligé de fuir sa patrie, en 1948, et son épouse restée en Palestine, fresque historique ayant pour scène la Galilée.
Romancier, nouvelliste...
Entre-temps, ses pérégrinations universitaires de l'AUB au BUC et à l'UL le prédisposent, en 1980, à décrocher, avec l'aide d'amis, une bourse à l'Institut des études arabes de Boston. Edward Saïd l'encouragera à accepter. Un professeur de littérature arabe ayant pris une année sabbatique, Elias Khoury enseignera cette matière à l'Université de Columbia. Il y enseignera aussi la littérature et la technique de narration, notamment dans les "Mille et une nuits".
Romancier, nouvelliste, critique, dramaturge, certaines de ses œuvres sont traduites en anglais, français, italien et allemand. Ainsi, "Le voyage du petit Ghandi" (Jouantes) et "Kingdom of strangers" (Arkansas Press). Mais Elias Khoury ne croit pas à l'immortalité des œuvres. Il pense plutôt que les œuvres sont écrites dans des langues passibles qui auront besoin d'exégètes pour passer aux générations futures.
Elias Khoury, c'est aujourd'hui le journaliste qui ne ressemble à personne, sinon à lui-même, et qui défend jusqu'au bout les causes auxquelles il croit. Tout dernièrement encore, celle de Marcel Khalifé, accusé d'avoir offensé le Coran, en mettant en musique un poème de Mahmoud Darwiche contenant une citation du Livre saint.
Mais il ne faut pas oublier Elias Khoury l'écrivain. Non pas un romancier en chambre, mais un observateur minutieux des habitudes humaines, un homme de terrain la loupe à la main, qui met en scène des personnages vrais, qui parlent et agissent vrai. Il raconte que toute fin de roman pour lui est un moment déchirant, celui de devoir quitter un monde à cause du mot fin figurant sur la dernière page de l'ouvrage imprimé.
Il y a aussi Elias Khoury l'intellectuel, celui avec lequel l'actualité culturelle doit compter. L'homme des grandes causes. Celui auquel on doit notamment la réouverture du Théâtre de Beyrouth. Une réouverture éphémère suivie d'une fermeture qui a privé les milieux artistiques libanais d'une véritable "boussole culturelle".
Il y a enfin Elias Khoury le politicien. Non pas politicien, mais politique au sens noble du terme. Au sens où la politique est l'art de la chose publique, de la foi en une cause, de la défense acharnée de certaines valeurs, sans remords et sans hésitations. L'homme de la cause des causes, de la cause palestinienne, drame du XXème siècle pour les Arabes, de la perte de la Palestine bien-aimée. L'homme d'une plume trempée dans l'encre des choses, dans le sang des peuples, dans la souffrance humaine, dans le déchirement des histoires impossibles, des rencontres inespérées et des espérances folles.
Déraciné
Et il en a payé le prix. Elias Khoury a été l'un des premiers à avoir été déraciné d'Achrafié en raison de ses choix politiques. Cela se produisit le 14 avril 1975, au lendemain du mitraillage de l'autobus d'Aïn el-Remmané. Réfugié dans le milieu cosmopolite de Ras Beyrouth, il s'y heurtera à la montée des extrémistes islamiques, qu'il n'hésitera pas à dénoncer. Il consignera dans son ouvrage "La petite montagne" son amour pour son beau quartier perdu.
Aujourd'hui, Elias Khoury est en mesure de rentrer à Achrafié, mais n'a pas pu encore déloger de son appartement les déplacés qui l'occupent. Quitter le Liban? Emigrer? Il n'y a jamais songé. Il est l'heureux époux d'une femme d'exception, Nayla Jreissati, dont le théâtre d'enfants est particulièrement bien reçu. Talal et Abla, des noms sortis droit de la Jahiliya, constituent son horizon familial. Le premier étudie l'art cinématographique, la seconde l'art scénique. La grande blessure toujours ouverte de la Palestine demeure. Le sang qui en coule a été recouvert par l'histoire occidentale d'un voile épais, d'une couche de poussière. Sa couleur même a changé. Mais doit-on renoncer à la vérité s'il a fallu renoncer à la justice ?

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