Vous trouverez ci-dessous le programme du séminaire "Histoire des
SHS", pour l'année 2018-2019. La première séance a lieu le vendredi 26
octobre.
Bien cordialement,
Nathalie Richard
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Histoire des sciences humaines et sociales
Emanuel Bertrand, Jacqueline Carroy, Wolf Feuerhahn, Andreas Mayer,
Nathalie Richard (coord.)
Les vendredis 26 octobre, 16 novembre, 30 novembre, 14 décembre 2017,
et vendredis 18 janvier, 18 janvier, 1er février, 15 février, 15 mars,
29 mars, 12 avril, 10 mai, et 24 mai 2018, de 14 h à 16 h, au Centre
Alexandre-Koyré (27 rue Damesme, 75013 Paris, 5e étage).
Le séminaire d’Histoire des sciences humaines et sociales propose une
approche volontairement généraliste du domaine. Les sciences humaines
et sociales sont souvent appréhendées selon des historiographies
disciplinaires. L’objectif du séminaire est de prendre du recul par
rapport à ce type de perspective, en montrant que l’on peut faire par
exemple une histoire des partages et des échanges entre science de
l’homme, philosophie, médecine, littérature, sciences de la nature,
etc. On s’attachera aux pratiques, aux savoirs, aux dénominations et
aux acteurs à partir desquels s’est constitué et se constitue le
projet d’édifier une ou des sciences prenant l’Homme et les humains
comme objet. Soutenu par la Société Française pour l’Histoire des
Sciences de l'Homme (SFHSH), ce séminaire est un forum de discussions
sur les problématiques actuelles, sur les livres récemment parus, sur
le statut et les usages des archives, sur les méthodes et les
fonctions d’une approche historique des sciences qui prennent l’humain
pour objet. Il s’adresse aux chercheurs, aux doctorants et aux
étudiants en histoire des sciences et, plus largement, en sciences
humaines et sociales.
26 octobre 2018 Serge Reubi (CAK-MNHN) : « La photographie aérienne au
service des sciences sociales durant l'Entre-deux-guerres : relire un
succès scientifique au prisme de ses vertus commerciales et
économiques »
Au cours de l'Entre-deux-guerres, la photographie aérienne connaît un
succès important, mais bref dans les sciences sociales européennes. De
la géographie à l’archéologie, l’histoire ou l’ethnographie, ces
disciplines portent pendant une grosse décennie un intérêt vif à cette
manière de représenter le monde depuis le haut. On lui attribue des
qualités aussi nombreuses que diverses, ce qui a retenu, depuis une
quinzaine d’années, l’attention nombreux chercheur-e-s en l’histoire
de l’art ou en histoire des sciences. Parmi les vertus associées à la
photographie aérienne par les acteurs de l'Entre-deux-guerres,
plusieurs s’inscrivent en effet dans des questionnements importants
(exactitude vs précision, renversement du regard, …) ou sont portés
par des acteurs auxquels l’historiographie récente à plaisir à
s’intéresser. Il en est une pourtant qui est capitale dans l’esprit
des scientifiques de l'Entre-deux-guerres mais qui n’a guère retenu
l’attention des historien-ne-s : c’est la dimension économique de ce
nouvel instrument, dont il faut tenir compte pour saisir le succès de
la photographie aérienne dans toute son épaisseur.
Dans mon intervention, j’explore cet aspect du succès de la
photographie aérienne. Après avoir brièvement présenté les usages les
plus courants de la photographie aérienne et les récits
historiographiques qui expliquent son succès, j’examinerai les
discours des scientifiques sur les atouts économiques de ces images
(coûts, prix de revient, rendement, …), et qui sont les arguments les
plus souvent avancés ; je me plongerai par ailleurs dans la variété
des intérêts financiers des individus ou des entreprises (compagnies
d’aviations privées, militaires, …) qui produisent ces images. Je
proposerai enfin une hypothèse fondée sur ces considérations
économiques, qui contribuent à comprendre la brièveté du succès de la
photographie aérienne dans les sciences sociales.
16 novembre 2018 Laetitia Guerlain (CAK-Université de Bordeaux) : «
L’Homme du droit. Pour une histoire des relations entre droit et
anthropologie (xixe-xxe siècles) »
Cette intervention vise à présenter un projet de recherches en cours,
relatif à l’histoire des relations entre droit et anthropologie. À la
suite des travaux pionniers d’Alain Supiot et de Pierre Legendre,
Louis Assier-Andrieu et François Ost rappelaient, très récemment, la
nécessité d’un détour anthropologique pour penser le droit et ses
finalités. « Quel homme pour quel droit ? », s’interrogeait ce dernier
de manière incisive. Cette attention renouvelée à l’anthropologie
n’est, nous semble-t-il, nullement inactuelle. À l’heure des
modifications profondes affectant la famille et les personnes (mariage
pour tous ; procréation médicalement assistée ; transhumanisme, gender
studies, statut de l’embryon, etc.), mais également de la gouvernance
de plus en plus manifeste par les chiffres, de la justice
algorithmique ou encore des transformations du droit pénal et du droit
social, les juristes ne sauraient faire l’économie d’une interrogation
sur l’Homme qui se cache derrière le droit et ses montages. Pas
d’ordre ni de construction juridiques sans une certaine conception
plus ou moins implicite de l’Homme, de l’humain. Sans aucun doute,
nous pourrions multiplier les exemples démontrant combien l’histoire
du droit se caractérise par la succession de façons de voir,
d’appréhender et de comprendre l’humanité qui trouvent leur traduction
dans l’univers normatif. Chaque période historique déploie un horizon
anthropologique particulier qui structure et oriente le droit ; droit
et anthropologie apparaissent comme deux savoirs consubstantiels, même
si ce lien intime est souvent maquillé sous les apparences d’une
naturalité du droit, ou, à l’inverse, d’une neutralité axiologique un
peu vite affirmée. Notre hypothèse de travail consiste à la fois
soutenir cette consubstantialité de l’anthropologie au droit mais
également relever combien une grande partie des juristes travaille à
dissimuler ce lien et à rejeter l’anthropologie hors de ses discours
ou de ses institutions. Dans ce but, notre projet de recherches
consiste à opérer un retour réflexif sur l’histoire de l’anthropologie
du droit, du xixe au xxie siècles, principalement en France, qui
permettra de mettre en lumière des rapports longs et plus denses qu’on
ne le pense ordinairement entre droit et anthropologie. Cette
intervention présentera, de manière synthétique, les enjeux et la
méthode d’une telle histoire.
30 novembre 2018 Jean-Pierre Schandeler (IRCL/CNRS) « L’Académie
royale des inscriptions et belles-lettres : de l’étude de l’histoire à
celle des sociétés (1701-1850) »
En envisageant les Mémoires de l’Académie comme le produit d’un
travail collectif, l’exposé portera sur la genèse des domaines de
savoirs, sur leur développement et sur le processus de spécialisations
à l’œuvre jusqu’à la fin du 18e siècle. Il examinera comment les
académiciens sont conduits à reconnaître explicitement dans les années
1780 la division de l’histoire en deux branches autonomes : la
narration chronologique et une forme d’histoire qui relève de la
science sociale et qui porte sur l’analyse des gouvernements, des
systèmes juridiques, du rôle de l’économie… On étudiera enfin de
quelle manière évolue une telle division, dans le milieu académique,
jusqu’en 1850.
14 décembre 2018 Clémentine Gutron (CAK-CNRS) « Enquêter sur les
savoirs archéologiques et les pratiques patrimoniales. Tribulations
sur le site de Sijilamâsa (Maroc) »
En historienne des savoirs, j’ai intégré la mission archéologique qui
explore le site de Sijilmâsa, au Maroc. Mon travail combine une
anthropologie historique des fouilles et une histoire des mémoires et
des pratiques locales liées à ces ruines médiévales, fief d’origine de
la dynastie alaouite qui règne aujourd’hui sur le Royaume. Je
présenterai, dans cette séance, les principales orientations de cette
recherche ainsi que ses bases méthodologiques. Je m’appliquerai
également à faire état des difficultés rencontrées pour édifier un
corpus documentaire le plus ouvert possible, des inflexions voire des
bifurcations thématiques comme des reformulations épistémologiques
liées à la confrontation avec le terrain pratiqué. Ce sont donc moins
des résultats verrouillés que je m’efforcerai de présenter dans ce
séminaire que les péripéties d’une enquête en sciences sociales en
cours.
18 janvier 2019 Anne Rasmussen (CAK-EHESS) « La géographie médicale
comme science de l’homme et de la société : le cas d’école de la
fièvre typhoïde, fin XIXe-début XXe siècle »
Il s'agirait de s'intéresser aux objets de la géographie médicale à la
fin du 19e siècle, quand elle saisit non pas les lointains (horizon
colonial et exotique) mais le local et le voisinage, à travers le cas
d'école de la fièvre typhoïde, notamment dans les centres urbains. En
France, en Allemagne, aux Etats-Unis, les modes de connaissance
géographiques et épidémiologiques, et leurs cadres interprétatifs de
l'homme malade (porteur de germes) et de son milieu social, fondent
des politiques de santé publique très différentes (de la plus
coercitive à la plus sociale) de cette pathologie endémique.
1er février 2019 Charles Coustille (CRAL-EHESS) : « L'histoire de la
thèse revue par les écrivains »
La thèse est souvent considérée comme le genre de tous les
académismes. Pourtant, depuis le milieu du XIXe siècle, plusieurs
grands écrivains français ont entrepris un doctorat. À la lecture de
ces travaux se dessine une anti-histoire des normes et formes
universitaires. Après un exposé général des tensions entre les mondes
littéraire et universitaire, la présentation se concentrera sur le
rapport de Roland Barthes à l’exercice de la thèse, lui qui, entre
1946 et 1980, a multiplié les projets sans jamais en terminer un seul
et siégé au jury de plus de 150 soutenances. Changeant régulièrement
de discipline, de la lexicographie à la sémiologie, il a toujours
tourné le dos aux approches historiques dominantes en Sorbonne. Mais
son anti-académisme n’est pas radical : sa conception très personnelle
de l’exercice repose sur un compromis entre l’investissement du désir
dans l’écriture de la thèse et le respect de certaines contraintes
institutionnelles. Parfois, selon des conditions très particulières
qu’il faudra décrire, la thèse barthésienne peut devenir une œuvre
littéraire.
15 février 2019 Marco Saraceno (CETCOPRA-Paris 1) « La mesure de la
fatigue et l’épistémologie des sciences humaines (1890-1920) »
Au tournant du 20e siècle, la notion de fatigue circule dans des
domaines scientifiques et culturels très variés et est présentée comme
un phénomène reliant les différentes dimensions (biologique,
psychologique, social, économique) de la vie humaine. La fatigue
semble en effet permettre d’expliquer toute activité comme le ratio
entre énergie emmagasinée et dépensée. Ainsi, de la psychophysiologie
expérimentale jusqu’à l’histoire des civilisations l’on cherche à
connaître et à mesurer les causes de l’épuisement. Toutefois pour
définir scientifiquement cette notion de sens commun les différentes
théories de la fatigue doivent constamment mobiliser des facteurs
psychologiques et sociaux difficilement réductibles à une
quantification énergétique. Nous montrerons comment les tentatives de
mesure de ce phénomène, en faisant émerger les complexes rapports
entre « causes » et « raisons », contribuent aux débats
épistémologiques à l’origine des sciences humaines modernes.
15 mars 2019 Philippe Borgeaud (Université de Genève) : « Lafitau et
Bernard. Frontispices et méthodes »
Les Mœurs des sauvages américains comparées aux mœurs des premiers
temps du Père Lafitau paraissent de manière quasi contemporaine des
deux premiers volumes des Cérémonies et coutumes religieuses de tous
les peuples du monde de Jean-Frédéric Bernard illustrées par Bernard
Picart. La concomitance de ces deux ouvrages (1723-1724) va retenir
notre attention. Leur lecture parallèle (accompagnée de l’examen de
leurs frontispices respectifs) signale l’importance d’un débat
essentiel en cette préhistoire (préacadémique) de l’histoire des
religions. On voit s’affirmer deux régimes contradictoires du comparer
: désir de déchiffrer une mémoire originelle enfouie sous la diversité
de ses manifestations, ou désir de mettre en évidence l’universelle
sacralisation des coutumes et des superstitions.
29 mars 2019 Christine Laurière (IIAC-CNRS) et Nicolas Ginsburger
(Géographies-cités, CNRS), présentation du numéro 33 de la Revue
d’histoire des sciences humaines (« Après 1918: un nouveau paysage
savant? »)
La Première Guerre mondiale est considérée comme une rupture majeure
de l’histoire contemporaine. Ses conséquences territoriales,
politiques, sociales et technologiques, à l’échelle nationale et
internationale, ont été amplement étudiées. Certains ont interrogé ses
répercussions pour les sciences médicales et de la nature. Mais qu’en
est-il des sciences de l’homme ? Que deviennent ces connaissances que
leurs promoteurs continuaient à définir comme des sciences morales, au
moment où l’humanité même semblait connaître ses « derniers jours »
(Karl Kraus) ? Mesurer l’impact du conflit sur ces domaines savants,
tel est l’objectif de ce dossier. Il s’agit de retracer la
transformation de la carte des sciences de l’homme en traitant de
disciplines, de lieux et de techniques jusqu’ici peu abordés. Quelles
sont les lignes de force structurant le redéploiement de ces savoirs
après l’armistice ? Selon quelles modalités idéologiques, théoriques
et pratiques prennent-ils acte ‒ ou non ‒ des effets du conflit ?
Entre résilience et reconfigurations, changements et permanences,
poursuite des oppositions en temps de paix et volonté de reconstituer
une certaine communauté savante internationale, comment les sciences
de l’homme ont-elles été « travaillées » par la Grande Guerre ?
12 avril 2019 Riccardo Roque (Univ de Lisbonne) « Can languages bleed?
Race, blood types and linguistic groups in the late Portuguese
colonial empire »
This paper explores the interconnected histories of biological
collections, blood groups, racial conceptions, and linguistic
classifications, in the late twentieth-century Portuguese science of
anthropobiology in Oceania. It follows the work of making ‘indigenous
languages’ that went along with the work of making ‘blood groups’, and
explores the resulting conjunction of racialized understandings of
linguistic and biological human difference in a late form of colonial
science. The presentation focuses on the case of the ‘Timor
Anthropological Mission’, a series of field expeditions (comprising
physical anthropology, archaeology and ethnography) to the then
Portuguese colony of East Timor, sponsored by the Portuguese Overseas
Sciences Board between 1953 and 1974. A striking aspect of these
expeditions was their attachment to blood collecting and language
categories simultaneously, in theory, in the field and, subsequently,
in processes of analysis, classification, and mapping. I ask why and
how, through a series of ontological transactions, language names and
linguistic research blended with laboratory practices, theories of
racial ethnogeny, and with the blood samples themselves. I also intend
to reflect on this case study as one possible example of how
“cultures” could be used to make “natures” in twentieth century racial
sciences.
10 mai 2019 Dana Simmons (Univ. of California, Riverside) « Hungry,
Thinking with Animals »
Food insecurity on U.S. college campuses is emerging as a visible
matter of concern. A national survey of over 30,000 U.S. community
college students found that two of three students experienced food
insecurity. This research is relevant to students and others
grappling with food insecurity in their daily lives today. I suggest
that hunger is an important category in American social and political
thought, and that this category has been shaped by the sciences of
psychology, neuroscience and surrounding fields. These sciences
developed theories of the causes and effects of hunger, theories that
spoke to questions like, what motivates someone to work? How do
children learn? What qualities - physical and mental - make a person
adapted to the modern world? In this work, I follow Nikolas Rose and
Joelle Abi-Rached’s call for “thinking with the animal” in scientific
models of behavior. Hungry animals participated in over a hundred
years’ worth of experiments designed to characterize human emotion and
behavior, from motivation and learning to anticipation and addiction.
Nonhuman hunger was central to the formation of both experimental
psychology and neuroscience. Thinking with animals may open ways of
thinking about the archive of hunger.
24 mai 2019 10h–16h : Journée d’études « Les rêves, objets des
sciences humaines et sociales ? » (CAK), coordonnée par J. Carroy et
A. Mayer
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Nathalie Richard
Professeure d'histoire contemporaine
TEMOS (CNRS FRE 2015)
Le Mans Université, Le Mans, France
http://temos.cnrs.fr/
univ-lemans.fr
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